Une centaine de patients occupent actuellement des lits au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), en attendant d'obtenir une place dans un centre de réadaptation, un centre de soins palliatifs ou un centre d'hébergement pour aînés. Un record historique. La situation est si inquiétante que le président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du CHUM, le Dr Paul Perotte, a écrit une lettre incendiaire au ministre de la Santé la semaine dernière.

«À l'heure où nous investissons des sommes colossales pour bâtir le nouveau CHUM, nous ne pouvons qu'être pessimistes dans notre capacité de répondre à notre mission vis-à-vis de la population si la situation de la prise en charge par le réseau des patients en fin de soins n'est pas corrigée à court terme», écrit le Dr Perotte.

Selon lui, il est «inacceptable» que 100 patients qui attendent d'obtenir une place hors de l'hôpital bloquent les lits d'hospitalisation au CHUM. «Ce chiffre m'a choqué, dit le Dr Perotte. Un lit d'hôpital coûte bien plus cher qu'un lit en centre de réadaptation ou d'hébergement! Et les patients sont moins bien servis. Un patient en soins palliatifs est mieux servi dans une ressource dédiée à cette fin.»

Le Dr Perotte explique que ces lits occupés sans raison valable aux étages empêchent les médecins du service des urgences d'y transférer des patients. Conséquence: les urgences débordent. L'attente en chirurgie se prolonge également par manque de lits. Environ 9000 personnes attendent en permanence de passer sous le bistouri au CHUM.

«Ce qui est le plus choquant, c'est que les équipes ici ont fait beaucoup pour aider à améliorer les choses. Mais ce que ça prend, c'est l'ouverture de lits en centre d'hébergement pour aînés, en centre de réadaptation et en soins palliatifs», affirme le Dr Perotte. Une demande répétée maintes fois au cours des dernières années. Mais sans retombée.

«Pour qu'on en arrive à écrire une telle lettre, c'est que ça n'avance pas, note le Dr Perotte. Le ministère de la Santé et l'Agence de la santé de Montréal nous disent toujours qu'ils vont faire des efforts, mais ça ne se traduit jamais par des résultats concrets.»

Dans la lettre, le Dr Perotte indique d'ailleurs que ses équipes sont prêtes à «répondre aux demandes» du ministère de la Santé, «mais c'est faire preuve de réalisme que de vous demander de nous en donner les moyens».

»Chair à élection»

Hier, le ministre de la Santé a refusé de commenter la lettre expliquant qu'il ne l'avait pas encore reçue.

Le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette, a quant à lui déclaré que ce problème de manque de lits à Montréal était «indécent» et résultait «d'un manque de volonté politique». Il a ajouté que la situation touchait le CHUM, mais aussi la majorité des hôpitaux de la province.

«On en parle depuis des années et rien n'est fait», constate le Dr Barrette. Ce dernier rappelle que, lors de la crise de la grippe A H1N1 à l'hiver 2009, le gouvernement avait trouvé l'argent nécessaire pour vider les lits des hôpitaux. «Le gouvernement sait ce qu'il faut faire pour régler la situation. Mais il traite la population comme de la chair à élections. Je le prédis tout de suite: quand les élections vont se déclencher bientôt, le gouvernement va ouvrir ces lits. Pendant les 10 dernières années, les gens vont avoir séché dans les urgences. Mais là, pour se faire élire, on va bouger, avance le Dr Barrette. Ça n'a pas de sens. On ne parle pas de béton ici, mais de gens. Des gens qu'on doit traiter équitablement, et non pas électoralement.»