Pour la première fois, le Collège des médecins du Québec donne une estimation du nombre de mammographies susceptibles d'avoir mal été lues par le Dr Raymond Bergeron: 10% des 22 500 examens seraient douteux, ce qui signifie que plus de 2200 femmes sont visées par des examens supplémentaires.

En entrevue avec La Presse, le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège, n'hésite pas à parler de la plus vaste enquête du genre jamais menée au Québec. «C'est un chiffre donné à l'oeil, mais on peut dire que 10% des mammographies font ou feront l'objet d'examens supplémentaires», a-t-il déclaré. Il assure que toutes les femmes concernées ont un accès prioritaire à l'une des cliniques désignées, et qu'elles seront dirigées rapidement vers des chirurgiens en cas de suivi nécessaire ou de biopsie.

La semaine dernière, le Collège a annoncé la relecture de 4500 mammographies supplémentaires à la lumière des recommandations des experts menant l'enquête. Ces examens ont tous été effectués dans trois cliniques de la grande région métropolitaine: Radiologie Fabreville (Laval), Radiologie Jean-Talon Bélanger et Radiologie Domus Médica. Ces relectures s'ajoutaient aux 18 000 prévues l'automne dernier.

Le Dr Yves Robert assure que l'enquête va «rondement», et que les résultats seront dévoilés d'ici à la fin de l'année. «Nous savons que c'est un stress énorme pour les femmes, mais notre objectif est d'améliorer le système de façon continue. Cette enquête peut avoir l'air d'une mauvaise nouvelle, mais selon moi, ce qui serait vraiment inquiétant, c'est que ça se fasse sans que personne ne le sache.»

Cliniques vendues

Quant au Dr Raymond Bergeron, un spécialiste de 77 ans, il n'est plus inscrit au tableau de l'Ordre depuis le mois de novembre. Dr Bergeron a pris sa retraite et a vendu tous ses actifs au réseau RadiologiX, a-t-on appris. Le président de l'Association des radiologistes du Québec, le Dr Frédéric Desjardins est l'un des membres de ce réseau de 107 radiologistes actionnaires, qui ont pour objectif d'acquérir, de gérer et d'exploiter des cliniques d'imagerie médicale.

«On a une image à refaire, affirme le Dr Desjardins. Nous sommes en train de regarder ça, et on pense que passé 70 ans, les radiologistes qui lisent des mammographies devraient s'arrêter s'ils ne sont pas bien entourés. Ces spécialistes de plus de 70 ans représentent environ 12% de nos radiologistes.»

Le Dr Desjardins ajoute qu'il digère mal la façon dont le Collège des médecins mène les relectures. «À mon sens, il ne faut pas parler d'une enquête puisqu'il n'y a pas de témoins ni d'interrogatoires.» Selon lui, il faudrait plutôt parler d'une vérification.

«C'est un stress énorme sur la profession parce que le Dr Bergeron était un gros lecteur de mammographies - plus de 5000 par année, dit-il. Il n'y a pas eu de rupture de service jusqu'à maintenant, mais il faut pallier son départ, et au moins quatre ou cinq spécialistes ont décidé de ne plus lire de mammographies par peur de poursuites.»

Au Québec, les radiologistes ont réalisé 650 000 mammographies l'an dernier, dont 450 000 dans le cadre du Programme québécois de dépistage du cancer du sein. Environ 550 radiologistes sont actifs au Québec. Leur âge moyen est de 52 ans.