Un verre de bière à la main, un immense chapeau orange attaché sous le menton pour éviter qu'il ne parte au vent, Liliane Lavoie était au frais, hier midi, à la Maison Juliette-Huot, à Oka. Comme une vingtaine de personnes âgées, cette ex-policière de 91 ans a bénéficié de l'aide des Petits Frères des pauvres pour quitter Montréal en pleine canicule et profiter de la brise du lac des Deux-Montagnes.

Quand on lui a demandé si elle était contente de ne pas être dans la chaleur montréalaise, Mme Lavoie s'est exclamée: «Oh! mon Dieu, oui! On est bien, ici. L'air circule et j'aime ça!»

Les personnes âgées isolées sont parmi les plus à risque par temps de canicule. L'an dernier, 100 personnes sont mortes, dont plusieurs aînés, pendant les grandes chaleurs. En 2003, en France, près de 15 000 personnes sont mortes pendant une canicule, dont la moitié étaient âgées de plus de 85 ans.

Toute l'année, les Petits Frères des pauvres travaillent à briser l'isolement des aînés. Plus de 400 personnes seules se trouvent sur leur liste de vigilance. Par temps de canicule, l'organisme les appelle toutes. «Si on sent que leur situation devient dangereuse, on les emmène quelques heures à notre siège social climatisé et on les hydrate», a noté la directrice des Petits Frères des pauvres de Montréal, Lise Beaudoin.

Hier, une vingtaine d'aînés ont pique-niqué à Oka. À leur arrivée, on leur a offert un verre de bière ou de moût de pomme. Ils se sont ensuite assis à l'ombre des arbres centenaires, avec vue imprenable sur le lac des Deux-Montagnes. On leur a servi une salade César au poulet et un gâteau renversé aux petits fruits.

Blanche Pépin, 83 ans, discutait joyeusement avec Réjeanne Bigras, 82 ans. «Je suis veuve depuis un an. Une activité comme aujourd'hui, ça brise ma solitude», a dit Mme Pépin. «Je n'ai pas si chaud, chez moi, à Montréal. Mais ça fait quand même du bien de venir ici. Ça change la routine», a ajouté Mme Bigras en s'allumant une cigarette.

L'intervenante Nathalie Brunet explique que le pique-nique était planifié depuis longtemps. «Mais avec les chaleurs, c'est vraiment bien tombé», dit-elle. Après avoir mangé, les «vieux amis» des Petits Frères comptaient se reposer dans les nombreuses balançoires de la propriété, ou encore se tremper les pieds dans la fontaine.

Prévention insuffisante?

Alors que trois jours de chaleur accablante sont annoncés, l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal a publié un communiqué, hier matin, pour recommander des mesures de prévention aux aînés et aux personnes à risque, soit les gens atteints de maladie chronique ou mentale et les enfants de moins de 4 ans. «C'est une mesure préventive pour que les gens prennent la situation au sérieux et prennent des précautions», explique la Dre Lucie-André Roy, de la Direction de la santé publique de Montréal.

Le porte-parole du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, n'est pas entièrement satisfait. Selon lui, il est inacceptable que plusieurs établissements de santé ne soient toujours pas ventilés: «Ça fait au moins cinq ans qu'on vit des canicules. Mais on dirait que la majorité des établissements ne font rien pour aérer leurs locaux. Les bureaux administratifs sont souvent climatisés, mais c'est beaucoup plus long pour les malades!»

Le directeur des communications de l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux, Alain Leclerc, réplique que, dans les CHSLD, les patients ne veulent pas de la climatisation: «Plusieurs portent une petite laine même par temps chaud», dit-il. De plus, il est difficile de climatiser les établissements plus anciens. «Mais partout, les salles d'opération et de soins critiques ainsi que les urgences sont climatisées, dit-il. Et on trouve souvent une salle climatisée par étage.»

«Une salle climatisée par étage, ce n'est pas assez. Ça n'a pas de sens d'empiler les patients comme des animaux dans des cages réfrigérées», dénonce toutefois M. Brunet.