Le Canada a finalement été le seul pays à refuser d'inclure l'amiante chrysotile sur la liste des substances dangereuses, a confirmé l'ONU mercredi, tandis qu'au pays, le gouvernement conservateur est demeuré silencieux à ce sujet.

Lors d'un sommet international tenu à Genève, la délégation canadienne a mis fin à plusieurs jours de silence et de spéculation en s'opposant à l'inclusion de l'amiante dans la liste des substances dangereuses de la Convention de Rotterdam, un traité onusien datant de 2004.

Michael Stanley-Jones, du programme environnemental de l'ONU, a confirmé mercredi par courriel que le Canada s'était interposé afin de bloquer l'inclusion de l'amiante chrysotile dans la liste.

Le Vietnam, le Kazakhstan et le Kirghizstan s'opposaient également à inclure l'amiante dans la liste. Mais selon M. Stanley-Jones, ils ont tous changé leur fusil d'épaule après que l'Inde ait annoncé soutenir la proposition.

De toutes les délégations internationales, le Canada est donc devenu la seule à s'opposer à l'inclusion de l'amiante.

M. Stanley-Jones a souligné que tous les pays étaient arrivés à un consensus au moment où le Canada a annoncé sa position.

Si l'amiante chrysotile était inclus dans l'Annexe III de la convention, les pays qui l'exportent auraient été contraints à informer les pays qui convoitent le minerai de ses dangers sur la santé. Les pays importateurs pourraient alors refuser d'acheter de l'amiante dans la mesure où ils ne pourraient pas l'utiliser de manière sécuritaire.

L'amiante fait l'objet d'une réglementation stricte au Canada, si bien qu'il est pratiquement banni. Les contribuables paient des dizaines de millions de dollars pour qu'il soit retiré des établissements publics, dont l'édifice du Parlement et la résidence officielle du premier ministre.

Le Canada s'est déjà opposé deux fois à l'inclusion de l'amiante dans la liste des substances dangereuses de la Convention de Rotterdam, dont la politique doit faire consensus.

Jusqu'à mercredi, il semblait que la stratégie du Canada allait se résumer à s'abstenir de prendre position en comptant sur les autres pays opposés à l'exportation de l'amiante pour bloquer son inclusion dans la liste.

«Nous ne nous sommes pas opposés à l'inscription de l'amiante sur la liste. À ce que je sache, nous n'avons pas pris position», déclarait mardi le ministre canadien des Ressources naturelles, Joe Oliver.

«Le fonctionnement de la Convention de Rotterdam fait en sorte qu'un consensus est nécessaire pour inclure une substance sur la liste. Si des pays s'opposent, ça n'arrivera pas. Je ne suis pas certain, mais j'ai cru comprendre que certains pays étaient contre l'inclusion de l'amiante.

«La question est donc controversée», avait conclu le ministre Oliver.

Les ministères fédéraux étaient tous discrets à propos de la position qu'allait adopter le Canada à Genève. Les conservateurs au pouvoir ne cessent de soutenir que l'amiante peut être utilisée de manière sécuritaire «dans des conditions contrôlées».

Environnement Canada a refusé de dévoiler la position du Canada à Genève mercredi, même après que l'ONU ait confirmé son opposition.

«En réponse à votre question à propos de Rotterdam, nous répétons que notre position sera la même que celle que nous défendons au Canada. Nous encourageons l'utilisation sécuritaire et contrôlée de l'amiante chrysotile», a expliqué le ministère dans un courriel, avant de refuser de répondre à une question qui proposait un suivi sur le dossier.

La position du Canada, bien qu'elle ne soit pas surprenante si l'on considère l'appui public qui est donné à l'industrie de l'amiante, a éveillé la colère des militants qui s'opposent au controversé minerai.

«C'est incroyable. Le Canada a fait un pied de nez au reste du monde», a déclaré par courriel la militante Kathleen Ruff. «Le Canada est le seul pays à s'être opposé à l'inclusion de l'amiante chrysotile sur la liste des substances dangereuses. À lui seul, il a détruit le rôle de la Convention dans le dossier de l'amiante.»

Le Canada continue d'exporter les fibres cancérigènes de l'amiante, et il bénéficie de l'accord et des encouragements des gouvernements conservateur à Ottawa et libéral à Québec. L'industrie emploie des centaines de personnes à Thetford Mines et à Asbestos.