Les urgences engorgées ne sont pas sans conséquence pour les patients qui s'y font traiter, démontre une étude basée sur le cas ontarien. En comparant entre eux des gens qui nécessitaient des soins aigus, les auteurs démontrent que ceux qui se présentent dans des urgences où le temps d'attente dépasse les six heures ont 79% plus de risque de mourir dans les sept jours qui suivent et 95% plus de risques de devoir être hospitalisés ultérieurement que ceux qui se font traiter dans des urgences moins occupées.

C'est ce qui ressort d'une étude publiée hier dans la publication médicale British Medical Journal, basée sur un nombre impressionnant de sujets. Quelque 14 millions de patients vus dans des urgences ontariennes ont été pris en compte, y compris ceux qui, las d'attendre, sont partis sans avoir vu de médecins.

«Les temps d'attente sont loin d'être innocents pour la santé», indique Marian J Vermeulen, épidémiologiste ontarien et coauteure de l'article.

Le Dr Vermeulen fait observer que la corrélation tient pour les patients qui arrivent très malades, mais qu'il y existe aussi une corrélation, dans l'étude, entre les gens les moins atteints (et qui, partant, s'étaient vu attribuer une cote de priorité moins élevée en arrivant aux urgences).

De fait, ces patients pourtant moins malades présentaient 66% plus de risques de devoir être hospitalisés ultérieurement s'ils étaient vus dans des urgences engorgées.

Qualité négligée

Les auteurs avancent dans l'article que ce n'est pas seulement le fait d'attendre qui peut avoir des conséquences néfastes, mais le fait d'être traité par un personnel soignant qui ne sait plus où donner de la tête. «Il est possible que la qualité des soins et la capacité (du personnel soignant) soient affectées lorsque les salles d'attente sont bondées. Par exemple, on peut alors hésiter à demander des tests ou des consultations supplémentaires, on peut réduire le temps d'observation des patients, toutes des façons de faire qui peuvent entraîner un mauvais diagnostic. [...]», est-il écrit dans l'article.

«Le risque accru de conséquences négatives chez les patients qui semblaient les moins atteints porte à croire que les protocoles de soins peuvent être particulièrement négligés avec ces patients apparemment moins malades», est-il encore écrit.

Comme le précise la chercheuse Astrid Guttmann, elle aussi coauteure, le danger n'augmente pas de façon exponentielle d'heure en heure. Il semble que ce soit le fait, en soi, de se présenter dans des urgences bondées qui expose les patients à de moins bons soins et à de faux diagnostics.

Par contre, ce qui suscite l'étonnement dans les résultats de l'étude, c'est qu'il n'y a pas de risque accru chez les patients qui, las d'attendre, sont repartis des urgences avant d'être vus par un médecin.

L'Ontario met le paquet

Depuis 2008, l'Ontario, dont il est question dans cet article, a mis le paquet pour réduire le temps d'attente aux urgences. Les subventions attribuées aux hôpitaux varient notamment selon qu'ils atteignent ou pas leurs cibles, de sorte qu'à l'heure actuelle, le temps moyen passé dans les urgences ontariennes est d'environ neuf heures.

Au Québec, le gouvernement Charest avait promis, dès sa campagne électorale de 2003, de désengorger les urgences des hôpitaux, sans succès. La cible du ministre Bolduc est aujourd'hui de 12 heures, mais on est très loin du compte.

Selon des données récentes émanant du ministère de la Santé, le temps passé aux urgences est maintenant de 20h13 à Montréal.