Absence de diagnostic, accès déficient aux médicaments, personnel carcéral mal formé et isolement qui aggrave les problèmes. Les centres carcéraux du Québec ne sont pas adaptés aux détenus qui ont un problème de santé malade, dénonce un rapport du Protecteur du citoyen dévoilé mercredi.

«C'est étonnant et désolant, parce que cela a un impact important sur la qualité de vie et la santé de ces personnes», a dénoncé la Protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain.

Après avoir reçu plusieurs plaintes, le bureau du Protecteur a commandé ce rapport. Les troubles de santé mentale sont fréquents dans la population carcérale. Plus de 60% des détenus souffrent d'un tel trouble, selon l'échantillon de l'étude. Dans la population générale, ce sont plutôt 20% des gens qui en souffriront durant leur vie.

Mme Saint-Germain parle de «lacunes majeures» dans les établissements carcéraux. À l'arrivée des détenus, il n'y a pas de dépistage systématique des problèmes de santé mentale, à part l'évaluation des risques de suicide. Dans leurs 48 premières heures derrière les barreaux, les détenus ont rarement accès à leur médication. «Cela peut avoir des conséquences graves liées au sevrage», affirme la protectrice du citoyen.

Les informations médicales se perdent aussi souvent lors de transferts des détenus d'une prison à l'autre. L'accès aux psychiatres est jugé «déficient». De plus, seul un centre sur quatre offre un personnel soignant en permanence. Dans les autres cas, lors des situations de crise, les gardiens confinent les détenus à la contention ou l'isolement. «Dans ces situations-là, l'isolement est souvent une des pires choses à faire», explique la protectrice.

À leur sortie de prison, ces ex-détenus sont trop souvent «laissés à eux-mêmes». Et leurs dossiers médicaux ont parfois même été fermés, regrette Mme Saint-Germain. Elle assure toutefois que son rapport ne constitue pas un «blâme» envers les établissements carcéraux. «L'organisation des services de santé mentale au Québec a exclu les citoyens qui sont judiciarisés et qui ont des problèmes de santé mentale», dit-elle. Elle qualifie plutôt son rapport de «plaidoyer pour que les personnes incarcérées au Québec puissent bénéficier des services de santé mentale dont elles ont besoin».

Impliquer le ministère de la Santé

La protectrice recommande entre autres qu'à partir d'avril 2012, le ministère de la Santé et des Services sociaux prenne en charge les soins préventifs, curatifs et la réinsertion sociale dans les 19 centres de détention. Cela nécessiterait seulement l'embauche de 16 personnes. «Ce ne serait pas un coût exorbitant», assure-t-elle.

Mme Saint-Germain demande au gouvernement d'évaluer les coûts et bénéfices de ses recommandations. «On mesure trop peu souvent les coûts de la récidive, de la criminalité et de l'absence de prise en charge des personnes détenues, qu'elles soient avec problème de santé mentale ou non, après la détention», avance-t-elle. La protectrice propose aussi de dépister systématiquement les troubles de santé mentale des nouveaux détenus et de mieux former les policiers et le personnel carcéral.

Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, dit vouloir étudier attentivement le rapport avant de le commenter.