La marijuana n'apaise pas tout le monde. Plusieurs employés du programme fédéral de marijuana médicale se sont fait harceler au téléphone par des demandeurs. Le problème est si fréquent que le ministère de la Santé a dû effacer de l'annuaire du gouvernement le nom de tous les employés du programme, a appris La Presse.

Des gens se seraient même rendus sur place pour mettre de la pression sur les employés. Des agents de sécurité leur ont barré la route, selon une source au gouvernement.

Le programme de marijuana thérapeutique existe depuis 2001. Il y a trois types de permis: possession de marijuana, production personnelle ou production pour un malade qui n'est pas autonome.

Selon nos informations, Santé Canada soupçonne que des criminels détourneraient les permis de malades pour commercialiser la drogue. Personne à Santé Canada n'a pu nous accorder une entrevue téléphonique. «Pour des raisons de confidentialité, Santé Canada ne peut se prononcer sur aucun cas particulier ou des questions du personnel», a répondu une porte-parole par courriel. Elle a refusé de dire si des enquêtes ont été déclenchées.

Permis de plus en plus populaires

Le nombre de patients qui profitent du programme augmente de façon constante depuis 2001. Et cette augmentation s'est accélérée dans les derniers mois. En octobre 2010, 5478 Canadiens détenaient un permis de possession et 3998 possédaient un permis de production pour eux-mêmes ou un tiers. Le mois dernier, ils étaient 9835 à avoir un permis de possession et 7442 à avoir un permis de production.

Dans un document obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, Santé Canada reconnaît qu'à cause de cette «augmentation importante», elle a peiné à accorder les permis dans un délai de huit à dix semaines, l'objectif qu'elle se donne. Ces retards pourraient expliquer l'agressivité de certains demandeurs de permis ou de renouvellement de permis.

«À la suite d'un examen de ses politiques et procédures opérationnelles, Santé Canada a apporté plusieurs changements qui ont permis d'améliorer l'efficacité et la rapidité du processus d'examen et d'approbation des demandes», y écrit-on. Le gouvernement dit «surveiller son rendement et prendre des mesures pour améliorer le délai de traitement normal». On assure en outre que les demandes pour des patients en soins palliatifs sont «toujours traitées dès leur réception».

Mauvais payeurs

La quantité de marijuana qu'un patient peut posséder varie selon sa maladie. Le gramme est vendu 5$, environ deux fois moins cher que sur le marché noir. Pour les producteurs, il faut payer 20$ pour 30 graines. Les permis, eux, sont gratuits.

Plusieurs patients sont de mauvais payeurs. En octobre dernier, près de 1,2 million de dollars devaient toujours être remis au gouvernement. Une partie de cet argent s'est envolée en fumée. Santé Canada a radié 147 682$ en créances jugées irrécupérables. «Depuis le 30 novembre 2009, le paiement complet est exigé pour l'achat de tout produit, et ce, avant que la commande ne soit traitée et expédiée», a réagi Santé Canada.

Trois types de patients sont admissibles au programme de marijuana médicale: les malades en phase terminale, ceux qui souffrent d'un trouble faisant partie d'une liste établie (dont la sclérose en plaques, le sida ou l'épilepsie) et ceux qui souffrent de douleurs chroniques pour lesquelles les traitements conventionnels ont échoué. Dans tous les cas, un médecin doit appuyer la demande de permis.

Le mois dernier, la Cour supérieure de l'Ontario a déclaré que le programme de marijuana thérapeutique était inconstitutionnel. Selon la Cour, des médecins ont «massivement boycotté le programme» et refusent de recommander le traitement à leurs malades. Comme il reposait sur la collaboration volontaire de médecins, le programme ne permettrait pas de soulager les patients, argue la Cour. Le gouvernement a porté la cause en appel.

Les médecins québécois sont relativement peu nombreux à prescrire de la marijuana à leurs patients. L'année dernière, ils étaient 182 à le faire. En comparaison, 685 médecins l'ont fait en Colombie-Britannique et 939 en Ontario.

- Avec la collaboration de William Leclerc