La haute direction du CHUM est sommée devant les tribunaux de revenir sur sa décision de fusionner son département de médecine nucléaire avec celui de la radiologie. Les spécialistes en médecine nucléaire du centre universitaire hospitalier, qui se contentaient jusqu'à maintenant de mises en demeure, ont monté le ton en déposant une requête en Cour supérieure, a appris La Presse.

En plus de décrier la décision de fusionner, les 10 médecins derrière la requête en nullité dénoncent la décision du conseil d'administration qui, selon eux, a été prise «sans les informer, ni même les consulter». Au coeur de l'affaire, on reproche donc à la haute direction de s'être prononcée en faveur de la fusion à «huis clos», ce qui serait contraire à la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

«Un retour aux années 70»

La décision de fusionner le département de médecine nucléaire avec celui de la radiologie a été prise par le conseil d'administration il y a un mois. C'est un radiologiste, le Dr Pierre Bourgouin, qui a été nommé pour diriger le nouveau département dans lequel la médecine nucléaire ne deviendra ni plus ni moins qu'une créature de la radiologie, dénoncent les spécialistes en médecine. Selon eux, cette décision marque un retour aux années 70 dans l'avancement de la médecine nucléaire, tant au niveau de la recherche que de l'enseignement.

Le vice-président de l'Association canadienne de médecine nucléaire (ACMN), le Dr Normand Laurin, qui représente des médecins dans le domaine d'un bout à l'autre du pays, estime que le CHUM a pris «une mauvaise décision». «La direction a choisi de suivre le modèle américain et quand on regarde ce qui se fait en médecine nucléaire aux États-Unis, on se rend vite compte que c'est le maillon faible. Au Canada, c'est la même chose. Regardez comment l'Ontario - où les départements sont fusionnés - a eu de la difficulté à gérer la crise des isotopes. C'est dommage, cette fusion, parce le Québec se démarque présentement nettement des autres.»

Le Dr François Lamoureux, président de l'Association québécoise de médecine nucléaire (AQMN), estime lui aussi que le CHUM a fait une «erreur» et il rappelle que la médecine nucléaire ne sert pas qu'à poser des diagnostics, elle consiste aussi à traiter des maladies comme les cancers. «S'il s'agit d'un problème de gestion, dit-il, les dirigeants du CHUM devraient aller se ressourcer au Centre hospitalier de l'Université de Sherbrooke (CHUS), qui a une longueur d'avance sur tous.»

«Présentement, le CHUM forme 75% de nos résidents dans cette spécialité, ajoute le Dr Lamoureux. Ce département doit posséder son autonomie pour développer la recherche, acquérir ses équipements, et poursuivre l'enseignement. C'est primordial. On comprend mal cette décision, d'autant plus que les appareils en médecine nucléaire sont dans un état désolant au CHUM, ce qui selon nous est discutable politiquement. Je ne blâme pas le conseil d'administration parce qu'il est souverain, mais il devrait se poser de sérieuses questions.»

Devoir de réserve

Les deux dirigeants des associations de médecine nucléaire demandent aussi au président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), Gaétan Barrette, de s'imposer un devoir de réserve dans le dossier. Ils rappellent que le président de la FMSQ est radiologiste de profession, au même titre que le recteur de l'Université de Montréal, le Dr Guy Breton. Sans vouloir s'immiscer dans le débat, le Dr Barrette a dit, il y a deux semaines, que partout ailleurs au Canada, les départements de médecine nucléaire et de radiologie sont fusionnés et que ça ne pose pas de problème.

«Tant qu'à faire, si on poursuit dans la même veine que la FMSQ, s'offusque le Dr Lamoureux, on va se mettre à parler en anglais comme dans le reste du pays. Le Québec se démarque du reste du pays en médecine nucléaire, c'est ici que cette spécialité a pris naissance. On a 53 unités de médecine nucléaire dans nos hôpitaux, ce n'est pas rien. On passe 30 000 examens de tomographie par émission de positons (TEP) par année, comparativement à 2000, en Ontario. Il faut comprendre qu'on peut changer les perspectives de traitement», indique le vice-président de l'AQMN.