Près d'un enfant sur cinq (17%) qui passe au triage des urgences de l'hôpital Sainte-Justine quitte la salle d'attente avant d'avoir vu un médecin. Et durant la semaine qui a précédé la relâche scolaire, soit la dernière de février de cette année, les parents de près d'un enfant sur deux (de 43 à 45%, selon la journée) ont préféré rebrousser chemin plutôt que d'attendre.

Nathalie Gaucher, pédiatre urgentiste au Centre hospitalier universitaire mère-enfant et étudiante à la maîtrise en bioéthique à l'Université de Montréal, a jugé le phénomène assez préoccupant pour le quantifier et tenter d'en établir les causes. Les résultats de sa recherche viennent d'être publiés par la Society for Academic Emergency Medecine. Selon les données qu'elle a pu rassembler dans des études canadiennes et américaines, les urgences pédiatriques enregistrent plutôt des taux d'abandon de 1,7 à 5,5%.

La Dre Gaucher a analysé les dossiers de 60 525 enfants qui ont franchi les portes du service des urgences du CHU Sainte-Justine entre le 1er avril 2008 et le 31 mars 2009. Dans la majorité des cas, les malades qui partent avant d'avoir vu un médecin ont été classés «semi-urgents» ou «non urgents» (catégories 4 ou 5) au triage. Aucun enfant âgé de moins de 3 mois n'a quitté l'hôpital avant de voir un médecin, la totalité des patients de catégorie 1 (critique et immédiat) et presque tous ceux des catégories 2 et 3 (urgent) ont été vus. «C'est rassurant», estime la Dre Gaucher.

La Dre Gaucher a été épaulée dans sa recherche par Jocelyn Gravel, directeur de la recherche au CHU Sainte-Justine, et Benoit Bailey, directeur médical des services d'urgence au même hôpital. Ils estiment que les résultats sont suffisamment intéressants pour pousser plus loin la recherche afin de trouver les causes réelles du phénomène. Un rapport complet sur la question devrait être dévoilé au mois mai.

Pour le moment, le Dr Bailey explique qu'un service d'«urgences mineures» a été mis en place pour diminuer les taux de départ. «Durant le temps des Fêtes, 15% des patients ont décidé de quitter les urgences. Actuellement, on a un taux d'environ 13%.» Normalement, il y a quatre ou cinq médecins aux urgences de Sainte-Justine, mais il arrive qu'il n'y en ait que trois - encore moins la nuit. «Le 27 février, on a eu une urgence qui a nécessité l'intervention de deux médecins. Il n'en restait qu'un pour répondre aux autres patients. Ce n'est pas l'unique facteur, mais il est clair qu'on n'a pas la même équipe médicale que l'Hôpital de Montréal pour enfants. Le gouvernement n'a ouvert que 19 postes de médecin à Sainte-Justine, comparativement à une trentaine au Children.»