Les centres de dépistage du cancer du sein de la grande région métropolitaine sont surchargés à cause de l'enquête sur des milliers de mammographies soupçonnées d'avoir été mal lues par un radiologiste âgé. Une enquête a été ouverte, l'automne dernier, afin de relire 18 000 mammographies réalisées dans trois cliniques de la grande région de Montréal.

Devant l'ampleur des anomalies suspectées, des plages horaires ont dû être dégagées en dehors des heures normales pour faire passer des examens complémentaires aux patientes rappelées: des technologues sont même appelés à faire des heures supplémentaires, a appris La Presse.

Au Collège des médecins, on explique que des patientes ont dû être dirigées vers des centres d'investigation rattachés à des hôpitaux (CRID). Il y en a cinq dans l'île de Montréal et un à Laval, plus d'autres dans les couronnes nord et sud. Selon le cas, les femmes doivent passer une échographie, une biopsie ou un test de résonance magnétique afin de savoir si elles ont une masse cancéreuse.

Au centre d'investigation du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), où l'on reçoit déjà entre 25 et 30 patientes par jour, on a ouvert au mois de décembre une plage horaire supplémentaire pour accueillir les patientes visées par la relecture des mammographies. La porte-parole du CHUM, Lucie Dufresne, a expliqué qu'il y a maintenant cinq plages horaires supplémentaires chaque jour, sans compter trois autres plages dégagées au besoin.

À la Cité-de-la-Santé, à Laval, on confirme aussi que des plages horaires ont été ouvertes et que des technologues doivent faire des heures supplémentaires pour répondre à la demande. «Il y a un mois, l'attente pour des examens complémentaires était d'une à deux semaines. Cette attente varie maintenant de deux à trois semaines. Sauf qu'il est prématuré d'imputer cette attente plus longue à l'enquête», a précisé Mme Martine Caza, porte-parole de l'Agence de santé et de services sociaux de Laval.

Nombre non précisé

Le Collège des médecins n'a pas voulu dire combien de rappels il a dû faire depuis deux mois et précise qu'il ne faut pas tirer de conclusions hâtives. On explique néanmoins que 40 radiologistes ont été mobilisés pour relire les mammographies problématiques. Ils travaillent le soir et le week-end dans l'espoir de terminer la relecture d'ici au printemps et de dévoiler les résultats de l'enquête dans un an. «Je ne peux pas vous dire le pourcentage de femmes qui ont été rappelées pour l'instant parce que je n'ai pas le dénominateur, c'est donc difficile de tirer une conclusion sans avoir le portrait complet. Ce qui sera important, c'est de savoir le nombre d'examens complémentaires qui auront été nécessaires une fois qu'on aura tout relu», a expliqué à La Presse le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège.

Rappelons que le Collège a ouvert cette enquête à la suite de plaintes et d'un contrôle auprès du radiologiste Raymond Bergeron. Ce spécialiste âgé de 77 ans pratique dans trois cliniques: Radiologie Fabreville (Laval), Radiologie Jean-Talon Bélanger et Radiologie Domus Médica.

Enquête «précipitée»

Tenu informé par ses membres, le président de l'Association des radiologistes du Québec, Frédéric Desjardins, soutient que les listes d'attente s'alourdissent dans les cliniques de dépistage. «Il y a de la pression sur les radiologistes à l'heure actuelle. Nous fonctionnons déjà à plein régime dans les centres désignés. Les listes d'attente s'allongent. C'est un stress sur les patientes, et c'est un stress sur le réseau», affirme le Dr Desjardins, qui estime que l'enquête a été «précipitée».

«Le Collège venait de nommer un nouveau président au moment d'ouvrir l'enquête, ajoute le Dr Desjardins. Il a été motivé par des sentiments corrects, sauf que le plus important, ce n'est pas la relecture, c'est d'arrêter un radiologiste qui travaille mal. Vous savez, il va y avoir d'autres crises en mammographie parce que cet examen fait partie d'un programme surveillé, et c'est inhérent à la pratique.»

Depuis le début de l'enquête, le Collège a toujours défendu sa décision de mener l'enquête publiquement. Le Dr Yves Robert a expliqué qu'elle est longue et ardue parce que, dans la majorité des cas, les films ne sont pas numérisés.

«Je crois que le système serait plus efficient si toutes les cliniques de radiologie passaient à la technologie numérique.»