Alors que les urgences de Montréal ont été submergées de patients au début du mois de janvier, le Centre hospitalier de Verdun a été plutôt épargné. Depuis un an, l'établissement a adopté une série de mesures qui ont permis de réduire la pression sur les urgences. L'équipe du centre hospitalier a accepté, hier, de révéler la recette de son succès à La Presse.

«La pression aux urgences a diminué parce qu'elle est maintenant répartie sur l'ensemble de l'hôpital grâce à la collaboration de tous», explique le chef des urgences du Centre hospitalier de Verdun, le Dr Jocelyn Barriault. Depuis un an, les patients qui attendent aux urgences d'être hospitalisés sont rapidement déplacés aux étages. «Dès qu'on sait qu'un patient doit être hospitalisé, on l'envoie au bon service. Il reste sur sa civière, mais il est à l'étage, sous les soins du médecin. Ça libère les urgences», explique le Dr Barriault. Ce changement semble simple, mais il a tout de même fallu que les médecins acceptent ces patients en surplus, qui augmentent leur charge de travail.

La directrice du programme de santé physique à l'hôpital de Verdun, Colette Milot, reconnaît qu'il a fallu convaincre les chefs de service. Pour les encourager, elle a engagé plusieurs employés qui sont venus alléger la tâche des médecins. «On a notamment engagé des infirmières gestionnaires de cas, qui s'occupent du congé des patients. Dès qu'un cas lourd entre aux urgences, les infirmières planifient son congé. Elles appellent les familles, s'occupent de planifier la réadaptation... Autant de tâches que les médecins n'ont plus à accomplir», explique-t-elle.

Limiter les hospitalisations

L'hôpital de Verdun tente aussi de limiter les hospitalisations. Auparavant, les patients soupçonnés de souffrir d'un problème cardiaque étaient systématiquement hospitalisés durant quelques jours, le temps de faire les tests. Plus maintenant. «Les patients stables rentrent chez eux. On les fait revenir dans les 48 heures suivantes pour les tests», explique le directeur des services professionnels, Paul Jacquemin. Un infirmier en psychiatrie vient aussi cinq matins par semaine aux urgences et analyse les patients psychiatriques. «Il donne congé à ceux qui peuvent partir et en dirige d'autres vers les bonnes ressources», explique le Dr Barriault.

Des infirmières auxiliaires ont aussi été engagées aux urgences. Auparavant, chaque infirmière s'occupait de six patients. Maintenant, chacune travaille main dans la main avec une auxiliaire et peut superviser 10 patients. «C'était inquiétant, comme changement. Mais c'est l'une des plus belles choses qu'on ait faites!» dit l'infirmier-chef des urgences, Jean-François Thibault. D'ici au mois de juillet, les urgences pourront aussi compter sur un médecin de plus les week-ends. «On ne veut plus avoir des problèmes de surcharge le lundi parce que tout a fonctionné au ralenti durant la fin de semaine»,

explique le Dr Barriault.

Comment a-t-on pu engager autant de personnel? «On a réalisé des économies en n'utilisant plus d'infirmières d'agence», dit Mme Milot. Il y a à peine deux ans, 20% des infirmières de l'hôpital provenaient d'agences privées. Pour attirer des candidates permanentes, les horaires de travail des urgences ont été modifiés. On a allongé de de 8 à 12 heures les quarts de week-end, si bien que les infirmières ne travaillent plus qu'une fin de semaine sur trois au lieu d'une sur deux. L'amélioration de la qualité de vie qui en résulte a attiré plusieurs candidates. «Tous mes postes sont pourvus!» se réjouit M. Thibault. Les heures supplémentaires obligatoires ont aussi été éliminées.

Ambiance améliorée

Le Dr Barriault estime que l'ambiance de travail s'est beaucoup améliorée. Les performances des urgences aussi. «Avant, on était débordé de Noël à la semaine de relâche. Plusieurs patients restaient trois ou quatre jours aux urgences. On avait souvent 50 patients pour 26 civières. Cette année, c'est beaucoup plus calme», note-t-il. Selon lui, la recette de l'hôpital de Verdun est applicable partout. «Il faut seulement de la volonté. Et il ne faut pas seulement demander plus d'efforts au personnel soignant. Il faut aussi lui donner plus de moyens. Oui, il y a des grincements de dents.

Mais ça se fait.»

La présidente de la Table des chefs d'urgences de Montréal, la Dre Emmanuelle Jourdenais, confirme que la formule de l'hôpital de Verdun peut s'appliquer partout: «Différentes études ont démontré qu'adopter des protocoles de surcapacité comme à Verdun pour envoyer des patients des urgences aux étages permet de diminuer la pression. Les patients sont plus satisfaits et c'est sécuritaire.» Elle ajoute que tous les hôpitaux de la métropole sont invités à adopter des mesures semblables. Selon elle, le Centre hospitalier de Verdun est vraiment un exemple à suivre: «Ils ont réussi à avoir une super collaboration entre les administrateurs et les gens de terrain. C'est une très belle réussite.»

L'urgentologue Alain Vadeboncoeur est du même avis: «À Verdun, tout le monde sait que les problèmes des urgences sont les problèmes de tout l'hôpital. Il y a un réel engagement à trouver des solutions ensemble.»