Le Québec n'a jamais compté autant de médecins. Selon les plus récentes statistiques du Collège des médecins, il y aurait actuellement 18 504 omnipraticiens et spécialistes dans la province - un sommet historique. Malgré tout, le réseau de la santé se dit toujours en pénurie de ressources. Pourquoi? Les différentes associations médicales ne s'entendent pas sur la question.

On recense actuellement 2,35 médecins par 1000 habitants au Québec, un sommet inégalé depuis plus de 20 ans, selon le Collège des médecins. Près de 49% des médecins sont des omnipraticiens et 51%, des spécialistes. La province est donc bel et bien sortie du profond creux de ressources médicales observé à la fin des années 90. À la suite de mises à la retraite massives, la province ne comptait plus que 1,93 médecin par 1000 habitants en 1998.

Même si le nombre de médecins n'a jamais été aussi élevé, le réseau de la santé ne cesse de dénoncer la pénurie. Selon le président du Collège des médecins, le Dr Charles Bernard, cela s'explique par le fait que les médecins offrent proportionnellement moins de services directs aux patients. «Aujourd'hui, les nouveaux médecins travaillent moins d'heures, dit-il. La conciliation travail-famille est plus importante. L'offre de services est donc diminuée.»

Le Dr Bernard se réjouit tout de même de la hausse des effectifs médicaux. Selon lui, l'augmentation des cohortes d'étudiants en médecine des dernières années porte ses fruits. «Et je pense que ça va se poursuivre au cours des prochaines années», affirme-t-il.

Des chiffres contestés

Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Louis Godin, affirme au contraire que les chiffres du Collège des médecins masquent la réalité. «Le Collège compte environ 10 000 membres en médecine de famille. Mais, dans les faits, je sais que seulement 7800 omnipraticiens offrent des services directs à la population au Québec. Les autres sont à la retraite. La vérité, c'est que le manque d'omnipraticiens est passée de 759 à 1075 de 2008 à 2010», soutient-il.

Le Dr Godin explique que les besoins de la population augmentent et que les médecins québécois, contrairement à leurs collègues du reste du Canada, travaillent beaucoup plus en milieu hospitalier, ce qui alourdit leur tâche. De plus, les diplômés qui optent pour la médecine familiale ne sont pas assez nombreux pour compenser les départs à la retraite. «La moitié des étudiants devraient venir en médecine familiale pour répondre aux besoins. Mais depuis plusieurs années, on n'en recrute que 40%», déplore le Dr Godin.

Le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Gaétan Barrette, explique pour sa part que certaines spécialités sont en pénurie ou en voie de l'être, dont la gynécologie et la rhumatologie. Il estime toutefois que le ratio de médecins par habitant est élevé et que ce sont des «problèmes d'organisation» qui font que la prestation de services n'est pas au rendez-vous, notamment en médecine familiale.

Par ailleurs, le nombre de permis accordés à des médecins diplômés à l'extérieur du Québec et du Canada a atteint 112 en 2010, par rapport à 89 en 2008. «Chaque année, on augmente les admissions de médecins étrangers», confirme le Dr Bernard.

Le porte-parole de l'Association des médecins étrangers du Québec, Price Betu, ne voit pas de bonnes nouvelles dans cette annonce. «Ces 112 permis ont été donnés à des gens qui ont terminé leur résidence. Mais là où ça bloque, c'est aux admissions en résidence. C'est toujours aussi difficile d'être admis», dit-il.