La campagne de vaccination du ministère de la Santé n'a pas été aussi efficace cette année, ce qui explique en partie l'achalandage accru observé dans les urgences de la province depuis le jour de l'An. Hier, les salles des urgences de la région montréalaise étaient occupées à 147%. Dans certains hôpitaux, comme à l'hôpital de Saint-Eustache, le taux dépassait les 300% pour la troisième journée consécutive.

Le directeur de la protection de la santé publique au ministère de la Santé, le Dr Horacio Arruda, reconnaît que «le taux de vaccination a diminué cette année dans certains groupes de personnes à risque». «Peut-être que les gens qui ont reçu le vaccin de la grippe A (H1N1) l'an dernier se croient encore immunisés... Mais non. J'invite les gens à aller se faire vacciner», a répété le Dr Arruda.

Urgentologue à l'hôpital de Gatineau, le Dr Pierre Bourassa voit aussi une explication à l'achalandage accru cette année aux urgences. «L'an dernier, tout le monde utilisait du Purell à fond et se lavait les mains par crainte d'attraper la grippe A (H1N1). Pas cette année. Je pense qu'il y a moins de crainte et qu'on fait moins de prévention», dit-il.

«Cette année est exceptionnelle pour le nombre de personnes à risque qui viennent aux urgences avec la grippe, confirme l'urgentologue Marc Béique. On a même des gens aux soins intensifs avec la grippe. Ça, c'est inhabituel.»

Le ministère de la Santé a tenu une conférence de presse, hier, pour faire le point sur la situation dans les urgences. Si Montréal enregistrait un taux d'occupation de 165% mercredi, ce taux est descendu à 147% hier. «La partie n'est pas gagnée, mais il y a amélioration», note le Dr Béique.

Toutefois, certains hôpitaux présentaient encore de forts achalandages hier, dont l'hôpital Pierre-Le Gardeur avec un taux d'occupation de 247% et l'hôpital général du Lakeshore avec 190%.

Selon la directrice générale adjointe de l'agence de la santé et des services sociaux de Montréal, Louise Massicotte, les urgences enregistrent une hausse d'achalandage de 15% à 20% cette année. Même si la province n'affronte pas présentement d'épidémie, la grippe saisonnière H3N2 est arrivée plus tôt. Et plusieurs cas de gastroentérite sont enregistrés.

Autre phénomène qui accentue la pression sur les urgences à Montréal: 200 lits sont occupés par des personnes attendant une place en ressource de convalescence, en santé mentale, en soins palliatifs ou en hébergement pour aînés.

De l'avis de plusieurs urgentologues, les personnes âgées sont particulièrement nombreuses à consulter les urgences ces jours-ci. Le Dr Béique assure que la quasi-totalité des patients qui occupent des civières aux urgences consulte pour de bonnes raisons. «Ces patients ne peuvent être retournés à domicile», assure le Dr Béique.

Mme Massicotte croit que la solution pour que les personnes âgées fréquentent moins les urgences ne se trouve pas uniquement dans la construction de centres d'hébergement publics. «Il faut développer des milieux de vie pour ces aînés fragiles ne pouvant plus vivre à domicile, mais n'étant pas assez touchés pour aller en centre d'hébergement. Les ressources intermédiaires, les résidences privées et les soins à domicile sont la solution», plaide-t-elle.

Questionnée pour savoir si les résidences privées sont en mesure de bien soigner les personnes âgées malades et d'ainsi éviter qu'elles ne se rendent aux urgences, Mme Massicotte a reconnu que ces établissements «sont des milieux de vie» et que si une personne âgée voit son état se détériorer et que cette situation «dépasse les capacités de la résidence, les gens sont dirigés vers les urgences».

Pour le Dr Béique, le Québec ne doit plus accepter que ses urgences soient occupées à 115% (taux d'occupation moyen des urgences de la province). «Le ministère de la Santé lui-même dit dans ses guides qu'il faut viser 80%, dit-il. Il n'y a pas qu'une solution. Mais il faut que tout le monde fasse des choix, autant les patients que les médecins et l'administration de la santé.»

Le Dr Arruda a pour sa part rappelé l'importance de se laver les mains et de tousser dans son coude.