Le Collège des médecins du Québec a ouvert une enquête pour réévaluer les mammographies analysées par un radiologiste dans trois cliniques de la grande région de Montréal. Cette enquête pourrait viser jusqu'à 15 000 patientes qui ont passé un test de dépistage du cancer du sein dans les deux dernières années.

Le radiologiste qui a analysé les mammographies, dont l'identité n'a pas été dévoilée, s'est retiré volontairement de la pratique le 9 octobre dernier, pour la durée de l'enquête. Il pratiquait dans trois cliniques: Radiologie Fabreville (Laval), Radiologie Jean-Talon Bélanger et Radiologie Domus Médica. La relecture de ces 15 000 mammographies prendra entre six mois et un an.

«Il est possible qu'il y ait eu des sous-diagnostics», a indiqué le Dr Charles Bernard, président-directeur général du Collège des médecins. Il se peut, a-t-il ajouté, que l'enquête démontre que les mammographies ont été adéquatement analysées. Les patientes ne seront pas appelées à repasser une mammographie pour l'instant. Le test est offert tous les deux ans aux femmes âgées de 50 à 69 ans.

Le secrétaire du Collège, le Dr Yves Robert, a pour sa part expliqué que les patientes concernées recevront une lettre personnalisée d'ici au 20 décembre. Entre-temps, les infirmières de la ligne Info-Santé (811) ont été mobilisées pour répondre aux questions des femmes concernées, avec la collaboration du gouvernement. Les trois cliniques visées ont refusé de répondre aux questions de La Presse, jeudi, et nous ont renvoyé au Collège des médecins.

À Québec, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc, s'est dit satisfait de la célérité d'action du Collège des médecins. «Le Collège agit rapidement. Ce qui est rassurant, c'est de savoir qu'on a des mécanismes de détection d'anomalies qui nous permettent d'agir», a-t-il commenté.Et, à ses yeux, cela prouve l'efficacité du système de contrôle de la qualité qui permet de déceler rapidement les discordances plutôt que de s'en rendre compte après plusieurs années.

Ce n'est pas la première fois qu'une relecture massive de mammographies est ordonnée au Québec. La dernière, en 2006, concernait 12 000 examens réalisés à la clinique de radiologie de Saint-Eustache, dans la couronne Nord. Cette relecture, décidée à la suite de plaintes de deux patientes, avait démontré que les analyses du radiologiste étaient correctes.

À la différence de l'enquête à Saint-Eustache, celle-ci a ceci de particulier qu'elle a été ouverte par le comité de surveillance du Collège des médecins. Formé de médecins et de spécialistes, ce comité est chargé d'évaluer la pratique de ses membres par des visites ou au moyen de tests théoriques. Les médecins très âgés sont souvent visés par le mécanisme de surveillance.

«Dans ce cas-ci, le radiologiste a échoué à la portion mammographie. Comme il en fait beaucoup, le Collège a décidé d'ouvrir une enquête», a expliqué à La Presse le Dr Frédéric Desjardins, président de l'Association des radiologistes du Québec, joint quelques heures après l'ouverture officielle de l'enquête. Il a dit craindre les «effets collatéraux» de l'annonce et appréhende des départs à la retraite chez les radiologistes âgés qui craindront d'être montrés du doigt.

«J'ai peur, comme dans le cas de Saint-Eustache, que cette enquête déclenche un vent de panique, une chasse aux sorcières. Je crains aussi que ça décourage les femmes de passer une mammographie, un examen éprouvé au Québec, a expliqué le Dr Desjardins. C'est vrai qu'un drapeau jaune vient de se lever. Mais il se peut qu'à la fin, on dise que ce n'était pas si terrible que ça.»

Outre l'analyse des mammographies, des règles sévères encadrent les appareils servant à diagnostiquer les cancers du sein dans la plupart des provinces du Canada. À cet égard, les provinces de l'Atlantique avaient été semoncées, il y a deux ans, pour des appareils en piteux état. L'Ontario avait même reçu le mandat de relire 30 000 examens menés entre 2006 et 2009: ultrasons, radiographies pulmonaires, radioscopies, veinographies, ultrasons Doppler et mammographies.

Au Québec, les radiologistes ont réalisé 650 000 mammographies cette année, dont 450 000 dans le cadre du Programme québécois de dépistage du cancer du sein. L'annonce de l'enquête n'a pas ébranlé la Fondation du cancer du sein qui a expliqué qu'il faut laisser faire le Collège des médecins.

«On comprend que certaines femmes soient angoissées. Notre rôle, c'est de les rassurer. On a commencé à recevoir des appels, et nous les dirigeons vers Info-Santé», a dit la porte-parole de la fondation, Anne-Sophie Hamel.

- Avec la collaboration de Daphné Cameron et La Presse Canadienne