Des 21 patients atteints du syndrome de verrouillage reçus depuis 1983 à l'Institut de réadaptation Gingras-Lindsay de Montréal, la plupart avaient moins de 40 ans. La moitié d'entre eux avaient des enfants. La grande majorité a choisi de vivre. Et certains, comme Benoît Duchesne, ont à leur actif des réussites étonnantes.

Tout commence généralement par un léger mouvement à un pouce ou un orteil. «Quand on voit ça, c'est la joie. C'est le contrôle de l'univers», explique la physiatre Nicole Beaudoin, Avec ce mouvement, ils peuvent contrôler un fauteuil roulant. «Avec un fauteuil, ils ont accès à un bout de la vie. Et l'autre bout de la vie, c'est la communication.»

Les malades peuvent apprendre l'alphabet ESARIN ou alors être équipés d'un senseur, sur le doigt ou la bouche, qui se relie à un appareil de communication et leur permet de «parler» via un ordinateur. Cet appareillage électronique peut également leur permettre de contrôler une partie de leur environnement. Allumer les lumières, la télé. Ça, c'est le dossier de Louise De Serres, ergothérapeuthe. Elle se spécialise dans l'installation de ces aides à la motricité et à la communication.

«Les patients, moins ils bougent, plus je les vois, résume-t-elle avec le sourire. La force intérieure n'est pas en lien avec la motricité. Certains bougent juste un doigt, mais leur vie n'est pas finie.»

Certains, comme Benoît Duchesne, réussissent à se refaire une vie. Une des patientes du docteur Beaudoin fait régulièrement de beaux voyages avec une accompagnatrice. Elle s'est récemment payé un saut en parachute. Une autre patiente a vu son couple éclater après son accident et s'est retrouvée seule avec ses enfants. «Je suis la mère que j'ai toujours voulu être. Parce que j'ai du temps à leur consacrer», a-t-elle dit un jour au docteur Beaudoin. Deux de ces patients, dont Benoît Duchesne, ont écrit des livres. Une autre s'est lancée dans la peinture.

Et pourtant, sur ces vingt patients, la plupart ont gardé de sévères séquelles. Seulement deux ont récupéré leur motricité. Quelque 18 d'entre eux sont en fauteuil roulant et ont besoin d'aide pour manger. Trois sur vingt ont conservé une trachéotomie pour respirer. La moitié d'entre eux habite en centre d'hébergement.

«Quand, pour la première fois, on leur demande s'ils veulent mourir, la plupart disent oui. On leur dit: on comprend. Mais on leur conseille d'attendre un peu. Et dans la majorité des cas, ils trouvent que ça a valu la peine de vivre», dit Nicole Beaudoin. Seulement deux des vingt patients atteints de syndrome de verrouillage ont demandé à mourir, plusieurs années après leur accident.