Durant leurs études, les futurs vétérinaires reçoivent trois fois plus d'heures en formation théorique et pratique sur la douleur chronique que les résidents en médecine familiale. Cette règle prévaut aussi pour les dentistes.

Pendant que les vétérinaires bénéficient en moyenne de 98 heures d'enseignement théorique et d'une formation pratique variant de 27 à 200 heures, les facultés de médecine du pays offrent en moyenne 16 heures de théorie et une formation pratique variant de 0 à 38 heures. Les infirmières sont plus choyées, avec en moyenne 31 heures de théorie et une formation pratique allant jusqu'à 109 heures.

Ces données sont tirées d'une étude pancanadienne auprès de 10 grandes universités, où 41 programmes en médecine sont dispensés. Après avoir interrogé les futurs omnipraticiens, Judy Watt-Watson, chercheuse de l'Université de Toronto dont les travaux ont été publiés en 2007, a découvert que même les étudiants estiment que cette partie de leur formation est déficiente.

La Dre Aline Boulanger, directrice de la clinique de la douleur au CHUM et enseignante à l'Université de Montréal, a fait partie d'un comité du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada chargé de se pencher sur la question. Elle estime qu'au-delà de la formation accrue, la douleur chronique devrait même devenir une spécialité postdoctorale à l'instar de plusieurs pays dont la France, la Belgique et la Suède.

«L'étude a ébranlé les gens, explique la Dre Boulanger, anesthésiste. Et depuis il y a eu une prise de conscience. Mais ça va prendre des années pour changer les choses, et il reste toute la recherche à faire progresser. Les chercheurs se penchent depuis au moins 100 ans sur les maladies du coeur, vous savez. Mais dans le cas de la douleur chronique, on n'a commencé à la prendre au sérieux que dans les années 60.»

Au Collège des médecins du Québec, le Dr Yves Robert estime qu'il y a un danger à permettre aux rhumatologues, neurologues et anesthésistes d'acquérir ce qu'il appelle «une surspécialité» en douleur chronique.

«Avec la pénurie de médecins à laquelle on fait face, il y a un risque de désintéressement aux spécialités générales. Les anesthésistes ne doivent pas délaisser les blocs opératoires ou les salles d'accouchement», estime le Dr Robert.

De nombreux travaux de recherche découlant de l'étude torontoise ont pourtant démontré, entre autres, le fardeau humain et économique de la douleur chronique. Notamment sur les listes d'attente pour des traitements spécialisés, mais aussi sur le nombre de visites chez les médecins de famille.

Selon les chercheurs Gilron et Johnson de Toronto, dont les résultats ont été publiés en avril dernier, une personne souffrant de douleur chronique dépense en moyenne 1462$ par mois en soins de santé, pour une somme annuelle de 17 544$. La moitié des participants à cette étude ont rapporté une dépression d'intensité modérée à grave, et 35% ont déjà eu des idées suicidaires à cause de la douleur.