Des fabricants de médicaments génériques menacent de stopper certains investissements au Québec et de refiler au gouvernement la facture des frais de distribution de 60 millions $ qu'ils assumaient jusqu'ici.

«Moins de produits à fabriquer, moins de produits à développer, risque de freiner la croissance de l'industrie du médicament générique, qui compte près de 5000 emplois directs au Québec. Il faudra s'attendre à revoir des projets d'investissements et à réévaluer les niveaux d'emplois face à ce que le ministre lui-même désigne comme un changement de modèle pour l'industrie», a prévenu Yves Dupré, directeur exécutif pour le Québec de l'Association canadienne du médicament générique.

L'association a rencontré la presse, mardi à Montréal, pour protester contre l'attitude du gouvernement du Québec dans le dossier du médicament générique.

En plus d'évoquer ces menaces touchant les emplois et les investissements au Québec, l'industrie du médicament générique a également évoqué le spectre de voir certains médicaments moins disponibles au Québec parce que moins rentables.

«La disponibilité de certains médicaments génériques actuellement vendus risque d'être affectée négativement au Québec. D'une part, certains produits existants devront vraisemblablement être discontinués, parce qu'ils seront tout simplement moins rentables, à 25 pour cent du prix du médicament de référence. D'autre part, des produits risquent de ne plus être développés, parce que la rentabilité anticipée sera insuffisante», a prévenu M. Dupré.

Le mécontentement de l'industrie du médicament générique prend sa source dans l'annonce, le 25 juin dernier, par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc, que Québec épargnerait 164 millions $ grâce aux baisses de prix des médicaments génériques qui interviendront à la suite d'une décision en ce sens du gouvernement ontarien.

Au Québec, en effet, la Politique du médicament stipule que le Québec doit bénéficier du plus bas prix. Or, l'Ontario a annoncé qu'à partir du 1er juillet, le prix des médicaments génériques s'établirait à 25 pour cent du prix des médicaments brevetés, plutôt qu'à 50 pour cent de ce prix, comme c'est le cas actuellement. Par voie de conséquence, les prix baisseront aussi au Québec.

L'Association du médicament générique proteste avec vigueur, affirmant que le ministre Bolduc se leurre s'il pense qu'il économisera ainsi 164 millions $.

Elle fait valoir que la décision ontarienne est plus complexe qu'une simple baisse de prix et que l'Ontario a trouvé moyen de compenser les différents acteurs du système, comme les pharmaciens. L'industrie du médicament générique veut négocier à son tour des aménagements avec Québec.

Sinon, ses membres préviennent qu'ils vont «réévaluer certaines dépenses qu'ils assument volontairement au Québec», comme les frais de distribution, qui totalisent 60 millions $ par année. «Le gouvernement sera certainement appelé à compenser ces coûts», ont-ils averti.

Et ses membres font aussi peser des menaces sur leurs investissements au Québec et sur les emplois.

«Avec la baisse de prix de l'Ontario, et plus particulièrement du Québec, Sandoz va malheureusement devoir geler la création de nouveaux emplois et va même devoir retirer du marché certains produits qui ne seront plus profitables à 25 pour cent du prix», a lancé Michel Robidoux, président de Sandoz Canada.

«Nous avons dû malheureusement abolir plus de 100 postes au mois de mai dernier, suite aux nouvelles politiques de prix en Ontario. Et maintenant, suite à l'annonce récente du gouvernement du Québec d'aller de l'avant avec les baisses de prix, Pharmascience se verra dans l'obligation de réévaluer ses investissements et certainement ses effectifs au Québec», a prévenu Mario Deschamps, président et chef des opérations chez Pharmascience.

Parmi les fabricants de médicaments génériques au Québec, on retrouve Sandoz, qui emploie 800 personnes à Boucherville; Pharmascience, qui emploie 1300 personnes à Montréal; et Ratiopharm, qui emploie 600 personnes à Mirabel (données de 2008).

Vendredi dernier, le ministre Bolduc avait indiqué qu'à la suite de la décision ontarienne, des économies seraient réalisées non seulement pour le régime public d'assurance médicaments, mais aussi pour les régimes privés. Pour le régime public seulement, il évaluait l'économie à 164 millions $ par an.

Il avait précisé qu'«au fur et à mesure que les nouveaux prix entreront en vigueur en Ontario, ils devront aussi être proposés au Québec».

Il avait indiqué que le Conseil du médicament et la Régie de l'assurance maladie du Québec agiraient «avec toute la diligence requise» afin que les baisses de prix s'appliquent rapidement et profitent à tous.

Réaction

D'ailleurs, les compagnies de recherche pharmaceutique ont plutôt appuyé le gouvernement du Québec en affirmant que ce sont les fabricants de médicaments génériques qui vendent trop cher leurs produits au Québec.

«En exigeant de l'industrie du médicament générique qu'elle baisse ses prix trop élevés, le gouvernement fait son travail et assure ainsi la pérennité du Régime d'assurance médicaments du Québec», a déclaré son président, Russell Williams.

«Les médicaments génériques coûtent trop cher et le Québec exerce son droit de rembourser le prix le plus bas au pays», ajoute-t-il.

Il fait valoir que l'industrie du médicament d'origine, à l'opposé, est déjà surveillée par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés et que ses prix «se situent sous la médiane internationale», affirme M. Williams.