Jordan River Anderson a passé les deux premières années de sa vie à l'hôpital en raison de graves problèmes neuromusculaires. Ses médecins ont alors conclu que, avec des soins à domicile appropriés, il pourrait enfin vivre dans une famille d'accueil. Ce n'est jamais arrivé. Jordan est plutôt mort trois ans plus tard, en 2005, sans jamais avoir mis le nez hors de l'hôpital: le Manitoba et le fédéral avaient argué trop longtemps que c'était à l'autre de payer les soins à domicile.

Cette triste histoire est relatée dans un mémoire du Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits des enfants et des jeunes, publié ce matin.

 

En décembre 2007, les députés de la Chambre des communes ont adopté un projet de loi connu sous le nom de «principe de Jordan», selon lequel plus aucun enfant ne subirait de retard ou d'interruption de soins essentiels en raison de conflits de compétences.

Hélas, ce principe «n'est toujours pas complètement mis en oeuvre», déplore le Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits des enfants et des jeunes.

Le cas de Jordan n'est qu'une illustration dont se sert l'organisme pour témoigner de la situation «totalement inacceptable» dans laquelle se trouvent les jeunes autochtones. Leur misère est «une question cruciale, qui revêt une importance nationale et qui requiert une attention urgente».

Le Conseil le dit lui-même d'emblée: la tragédie qu'il décrit aujourd'hui «n'est pas nouvelle», ce qui ajoute à son indignation.

Les signaux d'alarme - qu'ils soient statistiques ou institutionnels, comme ceux de la Croix-Rouge - ont beau se multiplier, rien n'y fait.

Le taux de suicide des jeunes Inuits, 11 fois plus élevé que la moyenne nationale, est parmi les plus élevés au monde, peut-on lire dans le mémoire.

Même s'ils ne représentent que 5% de la population infantile du Canada, les enfants autochtones représentent environ 25% des enfants confiés aux soins du gouvernement pour une raison ou pour une autre. En 2006, le pourcentage d'autochtones de 25 à 64 ans qui n'avaient pas de diplôme universitaire était de 19 points de pourcentage plus élevé que dans la population non autochtone du même groupe d'âge. En 2007 et en 2008, 4700 jeunes autochtones étaient détenus et 2700 autres étaient en probation. En 2006, presque la moitié (49%) des enfants des Premières Nations âgés de moins de 6 ans habitant hors réserve vivaient dans une famille à faible revenu. Et c'est sans parler de la violence et de toutes ces jeunes femmes autochtones disparues dont on est toujours sans nouvelles.

Tout cela, signale le mémoire, dans un pays pourtant signataire de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations unies et où les conditions de vie sont parmi les meilleures au monde.

En conséquence, le Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits des enfants et des jeunes recommande notamment la création d'un poste de commissaire national à l'enfance, la mise en place d'un forum national destiné à faire entendre la voix des jeunes autochtones et l'organisation d'une conférence extraordinaire qui réunirait les premiers ministres d'Ottawa, des provinces et des territoires avec des représentants des autochtones (jeunes et moins jeunes).