Le Front commun des syndiqués des secteurs public et parapublic a averti le gouvernement du Québec, jeudi, qu'aucune entente globale ne sera conclue sans que tous les secteurs n'en soient partie prenante.

Le Front commun déplore l'absence totale de progrès dans les négociations du secteur de la santé alors que des ententes sont conclues - ou sur le point de l'être - dans la fonction publique et dans le secteur de l'éducation.

Louis Roy, de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) a tenu à rappeler à Québec qu'il négocie bel et bien avec un front commun et non avec plusieurs entités distinctes.

«Tant et aussi longtemps que la santé et les services sociaux n'avanceront pas dans leurs négociations sectorielles, il n'y aura pas de règlement dans la fonction publique, il n'y aura pas de règlement dans l'éducation, il n'y aura pas de règlement dans la santé à la table centrale, a indiqué M. Roy. C'est pour ça qu'on est en front commun: c'est pour utiliser notre rapport de force collectif et on ne se laissera pas diviser.»

Le Front commun reproche notamment aux négociateurs du ministère de la Santé de se présenter constamment à la table sectorielle avec des propositions globales et des préalables, alors qu'il sait que cette approche du tout ou rien sera rejetée. «Le ministère de la Santé est le seul de toutes les organisations gouvernementales qui nous met des préalables insignifiants, stupides, pour faire avancer la négociation. Ça ne peut pas fonctionner», a fait valoir M. Roy.

Les porte-parole syndicaux ont lancé ces mises en garde jeudi matin, à quelques heures d'une rencontre de la table centrale, où sont discutées les questions à incidence monétaire et où, là aussi, les pourparlers progressent.

Avant même que leur point de presse ne soit conclu, toutefois, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc, et la présidente du Conseil du trésor, Monique Gagnon-Tremblay, défendaient leur position devant les médias.

Contrairement au pessimisme syndical, M. Bolduc a soutenu que les négociations ont progressé dans le secteur de la santé, du moins avec l'un des grands syndicats du secteur, en l'occurrence la FSSS-CSN: «L'écart avec une partie des syndicats (la FSSS) a diminué, c'est-à-dire que la proposition qu'on a reçue, on voit qu'il y a des éléments intéressants de négociation.»

M. Bolduc a reconnu, toutefois, que les pourparlers étaient beaucoup plus ardus avec les infirmières, représentées par la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), allant même jusqu'à qualifier les négociations d'asymétriques. «Avec la FIQ, nous sommes encore chacun sur nos positions, a admis le ministre. Nous voulons démontrer une grande ouverture. Nous allons attendre de voir la part du syndicat. Mais je dois vous avouer qu'avec la FIQ également, les relations sont relativement bonnes.»

Québec réclame aux infirmières plus de souplesse dans les horaires de travail, ce qui permettrait notamment aux établissements de combiner des quarts de travail plus longs avec une semaine comptant moins de jours de travail. «Ce que l'on veut, à la fin, c'est vraiment d'offrir des conditions qui sont acceptables. Il faut également faire à l'intérieur du cadre financier ce qui est responsable pour les contribuables du Québec», a poursuivi M. Bolduc.

Or, selon les syndicats, ce sont justement les conditions de travail qui sont inacceptables tant dans leur forme actuelle que dans les propositions gouvernementales, particulièrement pour les infirmières. Ces conditions créent le cercle vicieux dans lequel le système se retrouve actuellement, c'est-à-dire qu'elles poussent les infirmières à délaisser le réseau public en faveur des agences privées, agences auxquelles les établissements font appel à prix fort pour combler le manque d'infirmières.

Pour Michel Arsenault, président de la FTQ, il s'agit là d'une autre tentative déguisée de favoriser une privatisation du réseau de la santé contre laquelle il promet une lutte farouche. «On ne reviendra pas à l'époque de nos parents, de nos grands-parents où on voyait des familles endettées pendant une génération ou deux parce qu'il y avait un enfant malade ou l'épouse à la suite d'un accouchement ou des choses du genre», a-t-il illustré.

De l'avis de M. Arsenault, la négociation actuelle revêt un caractère crucial qui va bien au-delà des simples conventions collectives. «Si on ne réussit pas cette année à atteindre un règlement négocié avec l'État, ça va être une catastrophe pour les employés de l'État, bien sûr, mais également pour le public en général, a déclaré le président de la FTQ. Nous pensons que cela va mettre en jeu, entre autres, notre système de santé, notre système d'éducation.»

Selon lui, une entente doit intervenir entre les parties avant l'été, une analyse partagée par la ministre Gagnon-Tremblay. «On peut prendre tout le temps qu'il faut. Mais je remarque par exemple les ententes qui ont été signées au niveau de l'éducation. Si on veut que ces ententes-là soient en vigueur pour septembre, bien sûr qu'à ce moment-là, un règlement serait important au mois de juin», a souligné la ministre.