Les cas d'infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) augmentent à un rythme important depuis dix ans au Québec, au point où le ministère de la Santé et des Services sociaux parle maintenant d'une «épidémie silencieuse».

Cette année, environ 40 000 Québécois recevront un diagnostic d'ITSS, a révélé cet après-midi le directeur national de santé publique du Québec, le Dr Alain Poirier, lors de la présentation du Quatrième rapport national sur l'état de santé de la population.

«Le mot épidémie veut simplement dire, non pas qu'il y a une perte de contrôle, mais que ça augmente tout le temps», a affirmé le Dr Poirier. «Quand année après année, c'est la situation, on ne peut pas faire autrement que de parler d'épidémie. Et parce qu'on n'en parle pas assez, moi je la qualifie, et d'autres l'ont qualifiée avant moi, de silencieuse.»

Les chiffres rendus public sont préoccupants. Depuis 1998, la chlamydia, la gonorrhée et la syphilis connaissent une augmentation rapide et constante au sein de la population. Selon le rapport, le nombre de cas de syphilis infectieuse est passé d'un par mois en 2001 à un par jour en 2006. Durant la dernière décennie, plus de 100 000 cas de chlamydia ont été recensés dans la province tandis que plus de 1650 cas de gonorrhée ont été déclarés en 2008 seulement.

Des statistiques inquiétantes, puisque selon le Dr Poirier, environ 50% des femmes qui ont recours à la fertilisation in vitro au Québec auraient souffert d'une chlamydia ou d'une gonorrhée non traitée.

Pour ce qui est du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), le nombre de nouveau cas semble assez stable depuis 2003, oscillant entre 336 et 456 nouveaux cas annuellement.

Les populations les plus touchées sont les jeunes, les homosexuels, les utilisateurs de drogues injectables, les détenus et les prostituées.

En marge de la conférence de presse du Dr Poirier, le président de la Clinique L'Actuel, le docteur Réjean Thomas, a qualifié ces augmentations de dramatiques. Il les attribue à la baisse du port du condom et au fait que la peur du VIH a beaucoup diminué avec l'arrivée de la trithérapie.

Le spécialiste de la question des ITSS a également critiqué la disparition des cours de Formation personnelle et sociale du cursus de l'école secondaire. Depuis quelques années, les notions liées à la sexualité sont abordés dans différents cours comme ceux de biologie ou de sciences et technologies.

«La disparition de l'éducation sexuelle dans les écoles, ce n'est pas banal. Ce n'est pas vrai que c'est un professeur de mathématiques qui va parler du port du condom. Les compétences transversales là-dedans, ça ne marche pas.»

Selon son évaluation, les fonds destinés à la prévention ne sont pas suffisants. Selon le Dr Poirier, le budget cette année pour la prévention des ITSS est de 27 millions de dollars.

«Pourquoi investit-on dans les traitements et non la prévention? À la Clinique l'Actuel, on a 150 nouveaux cas de trithérapie à chaque année. Quand on pense que ça coûte 20 000 à 25 000 $ par année par patient payé par le gouvernement. Par ailleurs, on paye pour les traitements pour la procréation, mais pendant ce temps 30 à 40% des cas de stérilité sont causés par les cas de gonorrhée et syphilis non traitées. On n'a pas fait le virage prévention qu'il faudrait faire», a-t-il remarqué.

Avec La Presse Canadienne