Alors que les conservateurs dénoncent depuis des jours l'appui de l'opposition au maintien du registre des armes à feu, une vingtaine d'associations de professionnels de la santé s'est unie pour dénoncer la position du gouvernement.

Car c'est une question de santé et de sécurité publique, plaident les organisations de médecins, d'infirmières, de professionnels paramédicaux ou de la prévention du suicide, dans une lettre ouverte envoyée aux députés fédéraux.

«On conçoit cette loi semblable aux ceintures de sécurité dans nos autos ou les casques protecteurs pour les joueurs de hockey», a illustré la présidente de la Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et d'infirmiers, Linda Salis, en point de presse à Ottawa mercredi.

Le projet de loi C-391, à l'étude en comité parlementaire après avoir été présenté par une députée conservatrice du Manitoba, Candice Hoeppner, vise l'abolition de l'obligation d'enregistrer une arme d'épaule au registre national des armes à feu.

Or, le président de l'Association canadienne des médecins d'urgence, Alan Drummond, a souligné que le registre permettait de prévenir des suicides et des drames conjugaux.

Une personne dépressive a 96 pour cent de risque de mourir d'une tentative de suicide à l'aide d'une arme à feu, mais six pour cent de risque de subir le même sort en ayant recours à une surdose de médicaments, a détaillé M. Drummond.

Statistiques à l'appui, M. Drummond, accompagné de Mme Silas et d'un représentant de l'Association canadienne de santé publique, Jim Chauvin, ont fait valoir que les mesures du registre ont permis de grandement diminuer le nombre de décès par armes à feu au pays.

«Pour nous, il y a des preuves claires et significatives que dans les faits la loi pour le contrôle des armes à feu et son processus d'enregistrement en particulier ont été efficaces», a noté M. Drummond.

Car en sachant qu'une arme à feu se trouve dans le domicile d'une personne dépressive, les professionnels de la santé peuvent prendre les mesures nécessaires pour la protéger d'autant plus du tort qu'elle pourrait s'infliger. Et il en de même lorsqu'il y a risque de violence conjugale, a expliqué l'urgentologue et coroner.

Le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, n'a de son côté pas semblé se formaliser des inquiétudes soulevées par les professionnels de la santé, en estimant que leurs statistiques n'étaient peut-être que des preuves empiriques.

M. Drummond, qui possède lui-même des armes à feu et qui habite une région rurale du pays, a par ailleurs critiqué le discours du gouvernement, appuyé du lobby des armes à feu, qui souligne que l'enregistrement des armes d'épaule cause des soucis inutiles aux Canadiens ruraux.

«Bien honnêtement, je ne comprends pas la discussion, je ne comprends pas le débat. Cela ne prend presque rien pour obtenir un permis, et le processus d'enregistrement est une histoire d'une seule fois», a-t-il fait valoir.

Les représentants de la santé ont ainsi appelé les élus fédéraux à «placer la sécurité publique avant la politique» et à rejeter le projet de loi C-391, lorsqu'ils seront appelés à se prononcer lors du vote pour l'envoyer au Sénat. Pour le moment, le texte est toujours à l'étude en comité parlementaire, où les conservateurs et l'opposition ne s'entendent pas sur la liste de témoins à y inviter.

Le projet de loi de Mme Hoeppner avait franchi une nouvelle étape du processus parlementaire, cet automne, grâce à l'appui de quelques députés libéraux et néo-démocrates de régions rurales du pays.

Tentant d'unir ses troupes afin de permettre la survie du registre, le chef libéral, Michael Ignatieff, a annoncé il y a 10 jours avoir convaincu ses députés récalcitrants de s'opposer au projet de loi C-391 moyennant quelques concessions. Un gouvernement libéral abolirait ainsi notamment tous les frais d'enregistrement et simplifierait les formulaires de ces enregistrements.

Des amendements que sont prêts à accepter les professionnels de la santé, selon M. Drummond.

«Notre principale préoccupation c'est que nous ne voulons simplement pas le démantèlement de la clause d'enregistrement (...) Tant et aussi longtemps que l'enregistrement demeure, nous sommes à l'aise», a affirmé le coroner.