Fraîchement diplômé en pharmacie, Michel Groleau se décrivait lui-même comme un pur et dur qui ne croyait qu'aux vertus des médicaments pharmaceutiques. Jusqu'à ce qu'un bébé de 14 mois bouscule ses convictions.

Ce bébé souffrait d'eczéma depuis sa naissance. Son visage était couvert de plaques rouges. Régulièrement, le pharmacien voyait sa mère acheter une nouvelle crème prescrite par le dermatologue. Puis, un jour, c'est un bébé à la peau impeccable que M. Groleau a vu à sa pharmacie.

 

Crème miracle? «Non, la mère avait consulté en homéopathie, et les résultats étaient concluants après 10 jours», explique-t-il.

Pour lui, ce fut le déclic. Il a suivi une formation en homéopathie. Il est aujourd'hui propriétaire d'une pharmacie où l'on ne trouve aucun médicament «ordinaire», que des produits de santé naturels.

«J'observais chez mes patients des résultats que je ne pouvais expliquer. Ça m'étonnait et ça me choquait. J'ai décidé d'aller voir ce qu'on ne m'avait pas appris à l'école», dit le pharmacien pour expliquer son cheminement.

Est-ce que son parcours aurait été le même s'il avait été sensibilisé aux médecines complémentaires dès sa formation universitaire? Il ne pourrait le dire.

Mais chose certaine, M. Groleau, comme plusieurs autres professionnels de la santé, croit que les futurs médecins et pharmaciens devraient être sensibilisés à ces approches au cours de leur formation.

Les patients se tournent de plus en plus vers les médecines complémentaires et les produits de santé naturels. «On n'a pas le choix de suivre le courant mondial», croit M. Groleau.

Professeur titulaire de la chaire de recherche en approche intégrée en santé de l'Université Laval, la Dre Sylvie Dodin abonde dans son sens.

Pour répondre aux besoins des patients, bien les traiter et mieux les informer, les futurs professionnels de la santé devront élargir leur champ d'horizon.

«On sait que les patients se tournent vers ces approches. Comme médecin, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, c'est important d'en parler», croit la Dre Dodin.

Après tout, c'est le professionnel de la santé qui peut mettre son patient en garde contre de possibles interactions entre des produits dits naturels et des médicaments. Il peut aussi l'éclairer et l'aider à faire la part des choses.

«Les sources d'information sont multiples et le problème est de trouver celles qui ne sont pas biaisées, explique la Dre Dodin. Que ce soit les sociétés pharmaceutiques qui vendent des médicaments ou celles qui fabriquent des produits naturels, leur objectif est de faire de l'argent. L'important dans tout cela est d'avoir un esprit critique.»

Mais plusieurs patients hésitent à se confier à leur médecin, de peur qu'il ne ridiculise le recours aux médecines complémentaires. C'est un problème.

Une étude parue en 2008 dans la revue spécialisée Current Oncology a démontrait qu'une majorité de patients traités pour un cancer utilisaient aussi une forme de médecine complémentaire, principalement des produits naturels.

Or, de 40 à 77% des patients qui prenaient ces produits ne le disaient pas à leur médecin traitant. Pourquoi? Ils craignaient sa réaction négative ou pensaient qu'il n'avait pas besoin de le savoir.

De cours optionnels à formation obligatoire

La plupart des cours donnés sur les produits de santé naturels et les approches complémentaires dans les universités québécoises sont encore optionnels.

Mais la situation évolue. Le nouveau programme de baccalauréat en pharmacie de l'Université Laval offrira une formation sur les approches complémentaires.

À l'Université de Sherbrooke, un colloque sur les médecines douces et complémentaires, destiné aux étudiants en médecine, en est à sa sixième année. Il connaît un bon succès.

«Plusieurs patients nous demandent ce que nous pensons des médecines parallèles. Il faut savoir bien leur répondre», explique Audrey Gagnon-McMahon, étudiante en médecine à l'Université de Sherbrooke, pour expliquer son intérêt face au colloque.

Pour l'instant, la communauté médicale exprime encore plusieurs réserves face aux médecines complémentaires, surtout parce que les preuves scientifiques sur l'efficacité de plusieurs d'entre elles sont insuffisantes.

Malgré tout, Mme Gagnon-McMahon croit que la médecine de l'avenir devra tenir compte des autres approches.

«C'est encore assez nouveau. J'ai l'impression que c'est notre génération et les générations à venir qui vont amener cela. Peut-être. Je ne peux pas dire que c'est super bien vu ou intégré actuellement», dit-elle.