Revirement de situation dans la construction du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CRCHUM). Alors que deux consortiums étaient sur les rangs pour obtenir le contrat, un seul a finalement soumissionné, lundi, ce qui laisse planer un sérieux doute sur le processus.

Jusqu'à tout récemment, deux consortiums avaient manifesté leur intérêt pour la construction du CRCHUM: l'un mené par la firme Axor et l'autre, le groupe Accès recherche CHUM, qui comprend notamment Fiera-Axium Infrastructure. Or, seul ce dernier consortium a finalement soumissionné lundi, a appris La Presse.

Avec une seule soumission en main, le gouvernement pourra-t-il vraiment obtenir le meilleur prix? «Poser la question, c'est y répondre, affirme Pierre J. Hamel, chercheur à l'Institut national de la recherche scientifique (INRS). Le gouvernement n'a plus aucune assurance d'obtenir le meilleur prix.» 

Désistement

Selon le porte-parole de l'Agence des PPP, Hugo Delaney, le consortium d'Axor s'est «désisté» à la dernière minute. «Ils n'ont pas signé à temps la convention de soumission», a-t-il expliqué. Même s'il n'est plus dans la course, le consortium d'Axor recevra 5 millions en compensation de ses efforts.

M. Delaney ajoute que la proposition du groupe restant sera minutieusement analysée et qu'elle ne sera pas nécessairement acceptée. Le processus de sélection sera donc très rigoureux, selon M. Delaney. «Les consortiums travaillent à leur proposition depuis des années. Ils n'ont pas pu la changer complètement à la dernière minute pour augmenter leur prix.»

La porte-parole du CHUM, Lucie Dufresne, affirme que les deux consortiums avaient conçu des projets de façon indépendante en fonction des critères du CHUM. «Même si le groupe est seul en lice, il doit répondre à ces critères», a dit Mme Dufresne.

La présidente du Conseil du Trésor, Monique Gagnon-Tremblay, partage cet avis, selon son attachée de presse: «Le consortium restant n'a jamais été mis au courant que l'autre s'était désisté. Il a donc soumis sa proposition avec un esprit de compétition», a dit Geneviève Villemure-Denis.

Mais selon M. Hamel, il serait naïf de penser que les gens de l'industrie de la construction ne se parlent pas. «Ils se croisent sur les mêmes terrains de golf, note-t-il. Il n'y a pas des milliers de groupes capables de construire ce genre de projet dans le monde. Ils se parlent et se font des faveurs. On est en droit de se poser des questions.»

Économiste et fellow invité à CIRANO, Jean-Pierre Aubry rappelle que l'Agence des PPP a souvent répété que, tant qu'il y aurait deux consortiums sur les rangs, il y aurait concurrence et que le meilleur prix serait trouvé. «Mais là, il n'y a plus de concurrence...» note-t-il.

Juriste à l'École nationale d'administration publique, Marie-Claude Prémont se demande elle aussi comment le gouvernement pourra obtenir le meilleur rendement dans le projet CRCHUM, puisqu'il n'aura «plus de comparatif».

Mme Prémont rappelle que, encore au mois de janvier, devant la pression des consortiums intéressés à la construction du CRCHUM, le gouvernement avait accepté d'augmenter les limites budgétaires du projet.

Les coûts du CRCHUM avaient explosé, passant de 320 à 470 millions, une hausse de 47 %. Le gouvernement avait laissé 60 jours supplémentaires aux consortiums pour soumettre des propositions respectant ce nouveau budget.

Québec avait du même coup accepté d'augmenter le budget du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), passé de 1,13 à 1,343 milliard.

 

Le CUSM avant le CHUM

Lundi, les deux consortiums en concurrence pour la construction du CUSM ont tous deux soumissionné en fonction de ces nouveaux critères financiers. «L'annonce du consortium gagnant se fera dans les prochaines semaines. La construction pourra débuter au printemps, comme prévu», dit M. Delaney.

Si la proposition de l'un des deux consortiums est choisie, le CUSM sera donc construit bien avant le nouveau CHUM.

La décision de construire des hôpitaux en PPP a été maintes fois critiquée par le vérificateur général du Québec, Renaud Lachance. Dans son dernier rapport, publié en novembre, il a déploré le fait que le gouvernement ait foncé tête baissée dans ces projets sur la base d'études «incomplètes» et «peu fiables».

-Avec la collaboration d'André Noël