Infirmières et médecins du Québec se sont unis pour la première fois de l'histoire, lundi, afin de dénoncer l'état du système de santé et pour proposer leurs solutions. Le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette, a notamment affirmé que 50 millions de dollars par année suffiraient pour régler en grande partie la crise des urgences.

«Québec sait que, pour désengorger les urgences, il faut sortir entre 1000 et 1500 patients chroniques des hôpitaux chaque jour. Pour ça, il faudrait investir 50 millions par année», a expliqué le Dr Barrette.Lors du récent épisode de grippe A (H1N1), le gouvernement a acheté des lits pour pouvoir sortir les malades chroniques des hôpitaux. «Pendant deux mois, il n'y a eu aucun séjour de plus de 48 heures aux urgences! a dit le Dr Barrette. On connaît la solution. Québec a été capable de trouver 80 millions pour la fécondation in vitro la semaine dernière. Pourquoi n'est-il pas capable de trouver 50 millions? Quand c'est politiquement rentable, on le fait. Sinon, on laisse sécher les gens.» Québec n'a pu confirmer ces chiffres, lundi.

En plus de la FMSQ, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et la Fédération des omnipraticiens du Québec (FMOQ) ont souligné l'état désastreux du réseau de la santé. «En 2003, le gouvernement Charest a créé de l'espoir en disant qu'il allait régler le problème du réseau. Mais il a gelé les salaires, les urgences sont toujours congestionnées, les listes d'attente ne sont pas vraiment mieux...» a énuméré la présidente de la FIQ, Régine Laurent.

Le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin, a ajouté que «le diagnostic» du système de santé est posé depuis longtemps. «Le traitement est connu. Il faut juste l'appliquer», a-t-il déclaré.

Le gouvernement se targue d'avoir amélioré les soins de première ligne en créant des groupes de médecine de famille (GMF) et des cliniques-réseau. «Il devait créer 300 GMF, nous n'en avons que 200. Seulement 20 GMF se sont créés depuis deux ans parce que c'est trop complexe administrativement. On demande des ajustements depuis longtemps à ce sujet. Pour les cliniques-réseau, l'objectif était d'en avoir 40 au Québec. On en a 25.»

Priorité: pénurie de personnel

Tant les médecins que les infirmières ont souligné l'urgence de régler la pénurie de personnel. «En médecine spécialisée, on ne peut plus donner des soins de la qualité requise parce qu'on manque de personnel, a noté le Dr Barrette. La qualité des soins ne fait pas de doute, c'est la quantité qui manque.»

Les trois syndicats qui ont parlé d'une même voix, lundi, sont actuellement en négociations. Quand on leur a demandé s'ils n'utilisent pas la crise du système de santé à leurs fins, les trois présidents se sont montrés choqués.

«Dire ça, c'est nier la situation! Ça fait au moins 10 ans qu'on parle de la pénurie de personnel. Oui, on est en négociations. Mais une négo, c'est là pour régler des problèmes», a dit Mme Laurent.

Le Dr Barrette a quant à lui qualifié ces propos d'«indécents». «La dernière négociation s'est soldée par une loi spéciale, où on a obligé les gens à se taire. Le seul moment où les gens ont la chance de parler, c'est dans la période de négociations. Pour sauver sa peau électorale, le gouvernement dit aux syndicats: «vous êtes en négociations, vous nous prenez en otages...» Allô la Terre!»

Le Dr Godin a ajouté que la FMOQ dénonce depuis deux ans la faiblesse des soins de première ligne et la pénurie d'infirmières. «On se faisait toujours répondre: c'est en négociations que vous pourrez nous parler de ça! Bien, c'est ce qu'on fait!» a conclu le Dr Godin.

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Les solutions proposées

Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ):

> Accélérer l'embauche d'infirmières praticiennes spécialisées;

> Réaménager le temps de travail en adoptant la semaine de quatre jours afin de faciliter la rétention du personnel et de diminuer le recours aux heures supplémentaires obligatoires;

> Augmenter le nombre de postes à temps plein;

> Augmenter le salaire des infirmières de 11,25% en trois ans. Une infirmière au Québec gagne entre 39 000$ et 59 000$ par année.

Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ):

> Appliquer la loi 90, qui permet notamment d'utiliser des ordonnances collectives;

> Assurer de meilleurs soins de première ligne.

Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ):

> Avoir suffisamment d'infirmières dans le réseau. À ce sujet, le président de la FMSQ, le Dr Gaétan Barrette, appuie sans condition la FIQ dans ses revendications.