Les urgences de la grande région de Montréal sont si débordées actuellement que l'on y constate chaque semaine des morts qui auraient pu être évitées, affirme le président de l'Association des médecins d'urgence du Québec, le Dr Bernard Mathieu. Tout comme certains de ses collègues interrogés par La Presse, le Dr Mathieu estime que la situation dans les salles des urgences est loin d'être corrigée, ce qui met en danger la population.

«On est en constant débordement. On n'a pas assez de ressources pour répondre aux besoins. On note une détérioration des conditions de travail qui met en danger la population», plaide le Dr Mathieu, qui travaille à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR), à Montréal.

 

La présidente de la Table des chefs d'urgence de Montréal, la Dre Emmanuelle Jourdenais, confirme que ses collègues et elle sont «fort préoccupés» depuis quelques semaines. «On voit des chiffres qu'on n'avait pas vus depuis longtemps, dit-elle. On est inquiets. Il y a des milieux qui, compte tenu de leur achalandage, doivent retarder le traitement de certains patients.»

Pas de surprises

Les chefs des salles des urgences de la région montréalaise ne sont pas surpris des conclusions du récent rapport du coroner Jacques Ramsay, qui critiquait sévèrement l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. Comme l'a relaté La Presse hier, la salle de réanimation de cet établissement était si bondée, l'été dernier, que l'équipe médicale a été incapable de ranimer une patiente de 64 ans.

«Des situations comme celle-là, il pourrait s'en passer chaque jour, ici», note le Dr Bruno Bernardin, urgentologue à l'Hôpital général de Montréal, qui ajoute que des morts évitables, «il y en a tous les jours dans les salles d'urgences du Québec». Le Dr Mathieu est d'accord: «Nos salles d'urgences ne remplissent plus leur mission.»

Alerté par ses collègues sur la situation qui a cours actuellement dans les salles des urgences, le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette, s'est rendu dans certains établissements, hier. «C'est une crise, rapporte-t-il. Une vraie crise. J'ai énormément de sympathie pour le personnel qui vit ça.»

Maisonneuve-Rosemont

À l'HMR, un patient souffrant d'une pneumonie a enfin obtenu un lit hier midi, après avoir passé huit jours et demi aux urgences. «La moitié de nos civières sont occupées par des gens qui attendent une place aux étages», déplore le Dr Mathieu. Hier, 25 personnes attendaient depuis plus de 48 heures aux urgences de l'HMR. Le week-end dernier, il y en avait 38. «C'est complètement fou», résume le Dr Mathieu.

La salle de réanimation de l'HMR est aussi régulièrement bondée. «Elle est conçue pour accueillir un patient. Il y en a souvent deux. Il n'y a pas de place pour manoeuvrer, remarque le Dr Mathieu. Ce sont des conditions inacceptables.»

Les chefs des salles des urgences de Montréal se sont réunis la semaine dernière. Plusieurs ont accusé l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal de traîner les pieds. «L'inaction de l'Agence est là. On laisse les urgences s'enfoncer. On connaît le problème et les solutions, mais on ne fait rien», estime le Dr Mathieu.

Par exemple, il est reconnu que l'hiver est une période plus chargée dans les salles des urgences, explique le Dr Mathieu. «Malgré cela, on n'augmente pas les ressources du réseau durant cette période», déplore-t-il.

Le Dr Bernardin raconte que, la semaine dernière, 27 patients occupaient une salle conçue pour en accueillir 13. «Et le nombre d'infirmières était prévu pour 13 patients. Ça n'a pas de sens», commente-t-il.

«Tout le monde essaie de faire de son mieux. Mais on a l'impression que rien ne bouge», affirme la Dre Jourdenais.

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En chiffres

Taux d'occupation moyen dans les urgences de Montréal hier: 134%

Urgences les plus fréquentées: > Centre hospitalier St. Mary: 173%

> Hôpital Notre-Dame du CHUM: 172%

> Centre hospitalier de Verdun: 185%