Le ministre de la Santé Yves Bolduc déplore le fait que des infirmières aient dû travailler pendant 18 heures à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, mais il affirme que le Code de déontologie veut, dans le domaine de la santé, que le personnel sur place ne puisse quitter s'il n'y a personne pour le remplacer au quart de travail suivant.

Sa réaction a fait rager la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé, Régine Laurent, qui affirme qu'il lui appartient de s'assurer que les infirmières travaillent dans des conditions décentes et normales.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux a ainsi commenté, mercredi, l'information parue dans le quotidien La Presse, voulant que des infirmières aient dû faire des heures supplémentaires obligatoires, même des quarts de travail de 18 heures, à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont de Montréal, faute de personnel pour les remplacer au quart suivant.

Un infirmier qui a vécu cette situation a écrit au quotidien, affirmant qu'il avait été pratiquement pris en otage, comme ses collègues, pendant 18 heures. Il soutient que lui et ses collègues ont proposé différentes solutions de rechange à la direction de l'hôpital, mais en vain.

«Je peux comprendre que les gens soient épuisés», a commenté le ministre Bolduc, rappelant que les infirmières se trouvent en situation de pénurie.

«On veut en avoir le moins possible de temps supplémentaire. Quand on le fait, c'est parce qu'on est obligé de le faire», a justifié le ministre, rappelant qu'un hôpital ne peut pas refuser de dispenser des soins à des patients aux soins intensifs.

Mme Laurent lui réplique qu'il ne lui appartient pas, comme ministre, de veiller au respect du Code de déontologie des infirmières, que cela revient plutôt à l'Ordre des infirmières. «Son rôle comme ministre de la Santé, c'est de s'assurer que ses employés ont des conditions de travail et des conditions d'exercice qui sont normales», a-t-elle lancé en entrevue.

La dirigeante syndicale souligne que le cas récent de Maisonneuve-Rosemont est loin d'être un cas isolé. Elle a vu des cas similaires de longues heures supplémentaires obligatoires dans des hôpitaux comme Lakeshore, Pierre-Boucher, Charles-Lemoyne et à l'urgence de Santa-Cabrini. «Ce n'est pas exceptionnel. Ce n'est pas la première fois» que cela se produit, assure Mme Laurent.

Elle fait un parallèle avec les chauffeurs de camions de déneigement, qui témoignent ces jours-ci dans le cadre d'une enquête du fait qu'ils ont travaillé durant de longues heures consécutives. «On a trouvé important d'émettre des normes pour les camionneurs et je suis d'accord avec ces normes-là, qu'après un certain temps, il faut que les gens se reposent. Mais ce n'est pas normal que dans le secteur de la santé, avec le travail qu'on a à faire comme professionnelles, qu'on trouve normal que les gens fassent 10, 16 puis 18 heures», proteste Mme Laurent.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, de son côté, estime qu'il appartient aux parties, localement, de régler le problème et d'atténuer le plus possible les inconvénients. «La solution vient d'une entente entre le syndicat, le personnel et l'établissement», a-t-il martelé.

Mme Laurent dénonce cette façon de voir les choses, affirmant qu'il appartient au ministre «d'envoyer un signal clair et sans équivoque que maintenant, les employeurs ont l'obligation de s'asseoir et de regarder ce qu'on est capable de faire en termes d'aménagement du travail».

«Il ne peut pas se laver les mains comme ça; il est quand même ministre de la Santé», s'est-elle exclamée.

La dirigeante syndicale était vraiment outrée. «J'essaie de me contenir. Dire des choses comme ça, il est mieux de ne rien dire. Dire qu'on a l'obligation, le devoir de faire du temps supplémentaire, c'est comme jeter de l'huile sur le feu.»

Ce problème récurrent des heures supplémentaires obligatoires peut être réglé à court terme par la discussion locale avec l'employeur, mais il faut aussi le régler à moyen et long termes par la négociation des conventions collectives avec l'État, croit Mme Laurent. Les parties doivent donc négocier l'aménagement du temps de travail, avec des moyens pour diminuer les heures supplémentaires obligatoires, plaide la dirigeante syndicale des infirmières.