La diffusion des vaccins contre la grippe A (H1N1) paraît chaotique dans les reportages télévisés. Selon le ministre de la Santé, Yves Bolduc, ces premiers jours de rodage sont derrière nous. Pas question de changer de stratégie pour la campagne de vaccination amorcée cette semaine.

Le Québec a reçu 1,3 million de doses, au rythme de 430 000 par semaine. Il n'en recevra toutefois que 150 000 la semaine prochaine à cause du retard qu'entraîne la production du vaccin sans adjuvant par les manufacturiers. «Par la suite, on va reprendre le rythme», a assuré le ministre dans un entretien à La Presse, hier soir.

 

Jeudi, le premier ministre Charest avait voulu se faire rassurant, et avait invité les citoyens à se présenter aux centres de vaccination en tenant compte du groupe auquel ils appartenaient - pour l'heure seules les clientèles à risque sont conviées. La majorité de la population sera appelée à la fin du mois de novembre. Au cabinet de M. Charest, le porte-parole Hugo D'Amours a toutefois souligné que le premier ministre n'avait pas voulu couper l'herbe sous le pied à son ministre Yves Bolduc. M. Charest avait accepté des entrevues sur l'achat par Hydro-Québec du réseau électrique du Nouveau-Brunswick - les questions ont dévié sur la grippe.

En Ontario, on a davantage misé sur les cliniques. Aux États-Unis, on vaccine même directement les élèves dans les écoles.

Fausse route

Depuis des mois, les médecins québécois avaient prévenu le gouvernement Charest qu'il faisait fausse route en mettant en place des méga-sites de vaccination pour la diffusion du vaccin contre la grippe A (H1N1).

Selon le président des 8000 médecins spécialistes du Québec, Gaétan Barrette, c'est avant tout pour économiser que le ministre Yves Bolduc a opté pour la mise en place de ces centres de vaccination où les gens ont fait la queue pendant des heures cette semaine. Selon lui, Québec économisera ainsi de 50 à 80 millions de dollars.

Pour le Dr Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens, Québec avait bien été prévenu toutefois des risques liés à sa stratégie. On se retrouve dans une situation «paradoxale. Depuis un mois on a mis beaucoup d'efforts pour convaincre la population de se faire vacciner. Maintenant qu'elle se présente, on n'a pas de vaccins disponibles. C'est un problème majeur», a-t-il résumé.

Devant la distribution chaotique du vaccin, «on avait déjà manifesté notre intérêt à ce que les cliniques distribuent le vaccin. Les gens sont habitués de se rendre à leur clinique pour se faire vacciner», a-t-il expliqué. Si la question des coûts est entrée en ligne de compte, «ce serait très malheureux», a lancé le Dr Godin.

Pour exclure les cliniques, Québec avait expliqué que la «fragmentation» du vaccin nécessitait qu'on ne manque pas de patients - le produit devait arriver par lots de 100 doses, qu'il fallait écouler en une journée, une cible bien haute pour une clinique. Or, ces vaccins sont arrivés en lots de 10, comme pour tous les autres vaccins.

Selon le ministre Bolduc, il n'est pas exclu que plus loin dans la campagne, les cliniques privées soient incluses dans la campagne de vaccination. Mais diriger les patients vers leurs cliniques posait des problèmes de santé publique. Aucun médecin n'aurait refusé à son client un vaccin, même s'il n'était pas sur une liste prioritaire, estime M. Bolduc. En plus, un centre de vaccination permet de vacciner 300 personnes à l'heure, une efficacité bien plus grande que celle des cliniques avec les mêmes effectifs.

Selon le Dr Gaétan Barrette, dès l'été dernier, lors d'une réunion avec les dirigeants du réseau de la santé, les médecins avaient prévenu que la première série de vaccination devait viser les employés du réseau, mais aussi leur famille. Il y a des risques d'absentéisme si les employés du réseau commencent à craindre de ramener le virus dans leur foyer, a-t-il expliqué. «Il y a des anecdotes qu'on entend, mais au souper, vendredi, on ne nous souligne pas de réduction de personnel», a dit le ministre Bolduc. De plus, «je n'embarque pas là-dedans», pas question d'étendre la vaccination prioritaire aux familles des employés du réseau, a-t-il résumé.