Des complications qui n'ont pas été détectées à temps pendant la grossesse, il risque d'y en avoir davantage maintenant qu'il n'y a plus de services pour les femmes enceintes à Sainte-Anne-des-Monts.

«Ma crainte, c'est qu'on finisse par avoir des bébés mort-nés ou des problèmes parce que les femmes vont se présenter à la dernière minute», déclare la Dre Lorraine Saint-Germain, l'une des omnipraticiennes qui pratiquent les accouchements à Matane.

Au cours de la dernière année, une centaine de femmes de la Haute-Gaspésie se sont déplacées pour accoucher à Matane, à une centaine de kilomètres. Depuis cinq mois, deux ont aussi accouché aux urgences de l'hôpital de Sainte-Anne-des-Monts. Elles n'ont pas eu le temps de se rendre à Matane.

Mais ce qui inquiète le plus, ce sont les femmes qui ne vont pas à leurs rendez-vous de suivi de grossesse. Certaines n'ont pas de voiture. D'autres n'ont pas assez d'argent pour payer un voisin qui pourrait les y conduire. Elles se rendront à Matane le jour de l'accouchement seulement.

«On recule. C'est le retour à la petite Québécoise des années 1900 qui accouchait toute seule dans sa grange», dénonce la Dre Saint-Germain.

La MRC de Sainte-Anne-des-Monts s'étend sur quelque 140 km, de Cap-Chat à Sainte-Madeleine. Une région au panorama magnifique, longeant des falaises et le fleuve en contrebas. Par temps clair, on aperçoit la Côte-Nord, de l'autre côté de la rive.

C'est aussi l'une des régions les plus pauvres du Québec, entre mer et montagnes. Tant la pêche que la forêt connaissent des années difficiles. À l'intérieur de certaines maisons à la peinture écaillée se cachent de nombreux chômeurs, des décrocheurs, des familles vivant de l'aide sociale.

Le service d'obstétrique et de gynécologie a fermé à la fin de 2007, avec le départ du dernier médecin accoucheur. Une fermeture qui devait être temporaire mais qui dure depuis 18 mois.

Jusqu'à récemment, des infirmières offraient au moins certains services à l'hôpital de Sainte-Anne-des-Monts. Elles pouvaient écouter le coeur du bébé si nécessaire ou évaluer une femme en travail pour déterminer s'il était temps qu'elle se rende à Matane.

Ce service a été aboli il y a quelques semaines. «Ils épargnent sur le dos des femmes enceintes qui, déjà, avaient très peu de services chez elles», déplore la Dre Saint-Germain.

«C'était cher et nous sommes en redressement budgétaire», explique la directrice générale de l'hôpital, Hélène Laprise. «Quand on a cessé le service, il n'y avait aucune maman en demande d'évaluation, à court, moyen ou long terme.»

La volonté de la direction est toutefois de relancer complètement le service. D'ailleurs, les petits lits chauffants de la pouponnière, simplement recouverts d'un drap blanc, sont toujours en place. Aux murs, des affiches prônent l'allaitement tandis que des mobiles colorés sont encore suspendus au plafond.

L'hôpital peine à attirer des médecins depuis une dizaine d'années. Il manque la moitié des effectifs, soit une dizaine de médecins généralistes, des chirurgiens et des anesthésistes.

«En tant que CSSS (centre de santé et de services sociaux), on n'a peut-être pas mis tous les éléments en place pour favoriser le recrutement» reconnaît Mme Laprise.

Pour parer au plus urgent, la direction de l'hôpital espère mettre en place un programme pour suivre les femmes jusqu'à leur 26e semaine de grossesse avant de les diriger vers Matane.

Il faudra ensuite un an ou deux pour former une équipe complète en gynécologie et obstétrique afin de rouvrir totalement le service.

Incertitude

Mais rien n'est certain. Au printemps, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a remis en question la nécessité d'un tel service à Sainte-Anne-des-Monts. Il estimait alors qu'il était «acceptable» que les femmes fassent la route jusqu'à Matane.

Relancé par le député de l'endroit, le péquiste Pascal Bérubé, le ministre a répété qu'il est préférable que les femmes accouchent à Matane.

«Pour des questions de sécurité pour la femme, pour l'enfant et pour le personnel, l'accouchement devra se faire à un autre endroit, et ça, il va falloir l'accepter parce qu'on n'aura pas le choix, pour une question de sécurité et de qualité des soins», a déclaré le ministre en juin, à l'Assemblée nationale.

L'Agence de santé et de services sociaux de la Haute-Gaspésie doit remettre un avis au ministre dans quelques mois pour réévaluer la question. «Soit qu'on offre le service avec les conditions de sécurité requises, soit qu'on n'offre pas le service», déclare le directeur médical de l'Agence, le Dr Claude Mercier.

Il souligne du même souffle que la Haute-Gaspésie «n'est pas le seul endroit de la province» qui vit une telle situation. Les Inuits et les résidants du Nord-du-Québec doivent aussi se déplacer, dit-il.

En attendant, les femmes enceintes se sentent abandonnées. Dans la rue, au restaurant, sur le quai, le manque de services en Haute-Gaspésie alimente les discussions.

«Un jour, ça ne s'appellera plus un hôpital, ce sera un gros CLSC. C'est un service essentiel dans un hôpital» dit Stéphanie Lickfold, une jeune maman.