Année après année, au Québec, la cueillette de champignons gagne des adeptes. Ce n'est pas sans risque: les cas d'intoxication sont à la hausse et une mycologue amateur a perdu la vie à Montréal, vendredi, après avoir consommé des champignons hautement toxiques au début du mois.

Les morts liées à la consommation de champignons sont extrêmement rares: ce n'est que la deuxième officiellement répertoriée au Québec. La première est survenue en 2004.

Cette fois, Judith Koritar, de Waterville, en Estrie, avait mangé de gros champignons qu'elle avait cueillis sous un arbre, à proximité de son domicile. Elle les avait cuisinés le dimanche soir et s'est trouvée très malade tôt le lendemain matin. Une intoxication si grave que Mme Koritar, âgée de 65 ans, a dû subir une transplantation du foie quelques jours plus tard. Son état s'est malheureusement détérioré, notamment à cause de complications aux poumons.

À l'hôpital Saint-Luc, où a été traitée Judith Koritar, on admet que des cas d'une telle gravité sont très inhabituels, ici, parce que la récolte de champignons n'est pas une activité courante. En Europe, par exemple, on voit plus fréquemment des intoxications très graves.

Espèces dangereuses

Il y a environ 3000 espèces de champignons au Québec. Une centaine sont dangereux et de 20 à 25 d'entre eux sont mortels, explique Gérard Mathar, de Gaspésie sauvage, petite entreprise de commercialisation de champignons forestiers québécois. Les plus courants sont les amanites, dont la vireuse et la tue-mouches, ce beau champignon coloré qui est souvent représenté dans les bandes dessinées.

Il existe plusieurs classes de champignons toxiques. Les plus dangereux provoquent une insuffisance hépatique, explique la Dre Sophie Gosselin, toxicologue au Centre antipoison du Québec. Malheureusement, les cas d'intoxication augmentent parce que la cueillette des champignons est de plus en plus populaire, confirme la Dre Gosselin. «Nous avons noté une hausse des cas soupçonnés d'empoisonnement», dit cette spécialiste, qui croit que certains cueilleurs manquent de prudence. «Certaines espèces toxiques ressemblent à d'autres comestibles, dit-elle. C'est très difficile de faire la différence, à moins d'avoir une expertise poussée.»

Gérard Mathar, lui-même cueilleur aguerri, approuve: la chasse aux champignons n'a rien de banal. «Il y a une sorte d'engouement excessif depuis quelques années et les gens se jettent sur les champignons sans avoir les connaissances essentielles, dit-il. Ils sont habitués d'aller cueillir des petits fruits et croient qu'on peut récolter les champignons aussi facilement.»

«Certaines personnes vont jusqu'à goûter à un champignon pour juger s'il est bon! déplore Gérard Mathar. Ça n'a pas de sens!»

Champignons de pelouse

Les cas d'intoxication ne sont pas l'apanage des coureurs des bois à la recherche d'espèces exotiques. Le Centre antipoison du Québec doit aussi composer avec des cas de maladies liées à la consommation de champignons de pelouse, un phénomène nouveau. «Il y a eu un changement d'épidémiologie», explique la Dre Sophie Gosselin. Ainsi, des champignons qui poussent en milieu urbain et qui étaient autrefois considérés comme inoffensifs peuvent maintenant être vénéneux, explique la spécialiste.

Les cas de consommation de ces champignons sont parfois accidentels, comme ce fut le cas de deux fillettes de Montréal qui ont dû subir un traitement de décontamination préventif la fin de semaine dernière après avoir consommé des lépiotes de Josserand.

Plusieurs facteurs expliquent pourquoi les champignons de pelouse sont plus dangereux qu'auparavant. Les changements climatiques sont certainement en partie responsables de l'apparition de nouvelles espèces, estime Sophie Gosselin, ainsi que les voyages. «La terre se déplace facilement d'un pays à l'autre, explique la Dre Gosselin. La carte géographique des champignons a beaucoup changé depuis quelques années.»

«Le plus sage pour les parents qui ont de jeunes enfants, estime Gérard Mathar, est d'arracher les champignons qui se trouvent sur le terrain de la maison, pour éliminer les risques.»