D'ici trois ans, la totalité des 792 lits de longue durée seront fermés dans les hôpitaux montréalais. La décision de l'Agence de la santé et des services sociaux, qui a commencé à se concrétiser sur le terrain ce printemps avec la fermeture de 200 lits à l'hôpital St. Mary et au CHUM, met en place un nouveau processus pour les aînés en attente d'hébergement: ces derniers pourraient ainsi changer jusqu'à trois fois de lieu de résidence avant d'avoir une place permanente.

«D'ici trois ans, tous les lits de longue durée dans les hôpitaux seront fermés», confirme le président de l'Agence de la santé et des services sociaux, David Levine, en entrevue à La Presse. Ces lits accueillaient des patients âgés qui y attendaient, en moyenne pendant trois mois, une place dans un centre d'hébergement. «Ils étaient dans les chambres les moins intéressantes de l'hôpital. À deux lits, avec salle de bains commune», souligne M. Levine.

Désormais, en l'espace de 72 heures, une fois leur problème de santé physique réglé, les aînés devront quitter l'hôpital. Pour aller où? «On a créé des lits d'évaluation dans nos CHSLD, qui sont un milieu de vie beaucoup mieux adapté aux besoins de ces personnes.» Les personnes âgées demeureront un maximum de trois mois dans ces lits d'évaluation. Ensuite, si elles n'ont pas de place dans le CHSLD de leur choix, on les transférera dans les «lits de transition», toujours en CHSLD. Puis, ultimement, elles iront dans l'établissement de leur choix.

Les aînés pourraient donc déménager trois fois avant de trouver une adresse permanente. Est-ce une bonne chose de déménager autant pour des aînés qui souffrent souvent de troubles cognitifs et perdent un peu de leurs capacités à chaque déplacement? «Le système va être meilleur pour la clientèle», affirme M. Levine.

3700 personnes en attente pour les CHSLD

Le problème de ce plan, c'est que les places en CHSLD sont très rares. En 2004, le nombre de places en CHSLD a été gelé par l'ancien ministre de la Santé Philippe Couillard. Dans les faits, le nombre de places a diminué de 200 à Montréal depuis cinq ans. Résultat: il y a actuellement 3700 personnes en attente d'une place en CHSLD dans la région de Montréal.

Comment va-t-on éviter l'embouteillage? En créant des places en ressources intermédiaires, une nouvelle étape entre le domicile et le CHSLD, répond M. Levine. Ces ressources se déclinent en diverses formules, de la petite ressource de type familial à l'immeuble où les gens âgés ont chacun leur logement. Les services de soins à domicile sont assurés par les centres de santé locaux.

Depuis cinq ans, l'agence a créé 440 places en ressources intermédiaires et 500 nouvelles places verront le jour d'ici un an. Ces ressources accueillent en général des aînés qui ont besoin de moins de trois heures de soins par jour. On a aussi créé 4300 nouvelles «places» en soins à domicile, fait valoir David Levine. De plus, 6000 des 14 000 places en CHSLD seront transformées pour abolir les chambres multiples et créer des aires de vie commune. Des rénovations qui coûteront 60 millions.

Loin de faire l'unanimité

Mais la décision de l'Agence est loin de faire l'unanimité. «J'ai beaucoup de témoignages de gens qui disent faire face à un système complètement bouché, souligne François Béland, gériatre à l'Université de Montréal. Les administrateurs des CHSLD sont pressés par l'agence d'accueillir des cas. Ils les placent où ils peuvent.»

Quant à l'idée de déplacer des personnes âgées jusqu'à trois fois, «ça n'a aucun sens», tranche M. Béland. «L'objectif de ces unités de transition, ça va être de se débarrasser des personnes âgées, parce que d'autres vont arriver. On ne peut pas fonctionner de cette façon. Ça répond aux seuls besoins de l'Agence et des hôpitaux de courte durée.»

M. Béland prévoit d'ailleurs que cette nouvelle façon de faire augmentera la durée de séjour dans les hôpitaux. «Dans les faits, les personnes âgées vont continuer d'avoir des séjours très longs. Les hôpitaux vont vouloir s'en défaire, mais ils ne le pourront pas. On aura remplacé les unités officielles par des séjours dans les unités régulières des hôpitaux.»

«Il n'y a pas de places dans les CHSLD! Alors on est pris avec l'objectif de trouver des lits qui ne sont pas disponibles», s'insurge Paul Brunet, du Conseil de protection des malades. «On sabre dans les institutions de soins de longue durée et de grands malades se retrouvent en ressources intermédiaires, qui ont du mal à les accueillir. Un moment donné, ça va éclater. Et on va se retrouver avec un problème pire que celui qu'on a voulu régler», dit-il.

«Il ne faut pas paniquer, dit Michel Tremblay, président de l'Association des ressources intermédiaires du Québec. Mais les ressources intermédiaires ont une limite et si on veut dépasser cette limite-là, il va falloir négocier de nouvelles modalités, tant en termes financiers qu'en termes de services fournis.» À l'heure actuelle, les ressources intermédiaires reçoivent en moyenne 75$ par jour pour chaque aîné hébergé. Et les places sont occupées en totalité, précise M. Tremblay.