Les Québécoises atteintes du cancer du sein devront patienter avant de savoir si elles ont suivi dernièrement le traitement approprié à leur état.

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, n'était pas en mesure, jeudi, de les rassurer, après avoir appris l'existence d'une étude menée par l'Association des pathologistes du Québec, qui conclut que, possiblement, des milliers de femmes ont pu se faire prescrire un traitement qui ne leur convenait pas.

«Je n'exclus pas qu'on revérifie tous les cas pour une période donnée», a dit le ministre, en point de presse, en qualifiant le dossier de «majeur».

Comme il n'a pas lu l'étude en question et n'a toujours pas réussi à en avoir une copie, le ministre ne pouvait pas dire si ses troublantes conclusions étaient fondées ou non.

«Je ne peux pas les rassurer (les patientes atteintes du cancer du sein), tant que les experts ne se sont pas prononcés», a-t-il commenté, disant ne vouloir ni dramatiser, ni minimiser la situation.

Il a donc demandé au Collège des médecins et à l'Institut national de santé publique (INSPQ) de tenter d'obtenir l'étude, pour déterminer sur quelles bases scientifiques elle a été produite, et en valider le contenu.

Conscient du contenu potentiellement explosif de la situation, le ministre a dit espérer «avoir l'heure juste» dès vendredi ou au début de la semaine prochaine.

La première étape, a-t-il fait valoir en Chambre, consiste à questionner la méthodologie utilisée par ses auteurs, examiner la rigueur de la démarche entreprise par l'association, et s'assurer de son indépendance par rapport aux compagnies pharmaceutiques.

Ce n'est donc possiblement pas avant la semaine prochaine que les femmes atteintes du cancer du sein sauront si on les a bien soignées ou si elles ont été victimes d'une erreur médicale aux conséquences insoupçonnées.

Questionné à ce sujet à l'occasion d'une conférence de presse à Montréal, le premier ministre Jean Charest ne pouvait pas davantage calmer leurs inquiétudes.

«Nous ferons tout ce qui doit être fait. S'il y a des choses qui doivent être corrigées ou changées, croyez-moi, nous ferons tout ce qui doit être fait», a-t-il promis, en rappelant que le gouvernement avait peu d'informations pour juger de la valeur du document.

L'étude en question, jamais rendue publique, a été menée par le président de l'Association des pathologistes du Québec, le docteur Louis A. Gaboury, et portait sur des tests de laboratoire de pathologie reliés au cancer du sein.

Le but de ces tests consiste à aider le médecin à choisir le traitement approprié au type de cancer décelé, soit l'hormonothérapie ou encore l'Herceptin.

Selon les résultats obtenus par le docteur Gaboury, une proportion importante des tests effectués - entre 20 et 30 pour cent - donnent des résultats erronés, ayant pu entraîner la prescription du mauvais traitement.

Il faut cependant noter que l'étude semble reposer sur un faible échantillonnage, soit 15 patientes ayant effectué des tests envoyés dans 25 des 140 laboratoires de pathologie du Québec.

À ce propos, le porte-parole de l'opposition officielle en santé, Bernard Drainville, a déploré le fait que le ministère n'avait toujours pas créé de programme de contrôle de la qualité dans les laboratoires de pathologie du Québec.

Le ministre Bolduc a répondu qu'il voulait agir dans ce dossier «le plus rapidement possible».

Chaque année, environ 6000 femmes reçoivent un diagnostic de cancer du sein au Québec.

La possibilité que des patientes aient pu être victimes à répétition de tests de laboratoire erronés a troublé mais n'a pas surpris la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

Jetant de l'huile sur le feu, son président, le docteur Gaétan Barrette, a soutenu que de telles erreurs pouvaient toucher des patients atteints de tous types de cancer, pas seulement le sein.

Il a aussi fait valoir que la situation des laboratoires de pathologie était connue du ministère de la Santé depuis des années.Le docteur Barrette a même jugé que l'Institut national de santé publique, auquel le ministre a fait appel pour valider l'étude, n'avait aucune compétence en la matière, n'ayant aucun pathologiste à son emploi.

Pour sa part, la Coalition Priorité Cancer au Québec a exigé la révision immédiate de tous les tests de marqueurs du cancer du sein réalisés au cours des dernières années.