En 1975, en pleine guerre des gangs criminels, le Québec enregistrait un record peu glorieux de 226 homicides. Le célèbre Richard Blass est responsable à lui seul de 13 de ces morts, qu'il a enfermés dans un réfrigérateur à bière du bar Le Gargantua avant d'y mettre le feu. Depuis 10 ans, le nombre de meurtres ne cessait d'augmenter dans la Belle Province. Les 300 homicides devaient être atteints avant la fin des années 70.

Eh! bien, non. Trois décennies plus tard, il y a moins de meurtres que jamais, moins de 90. «Personne n'avait prédit la baisse des homicides, dit Marc Ouimet, criminologue à l'Université de Montréal. La prédiction est difficile, surtout quand il s'agit du futur, dit une phrase superbe...» Quelques démographes avaient prédit une baisse dans les années 80 à cause du vieillissement de la population, rappelle M. Ouimet, mais ce n'est qu'à partir de 1989 qu'on a vu une baisse constante des statistiques à cet égard. Les études expliquent ce phénomène par sept facteurs, le plus important étant que le groupe d'âge le plus criminalisé, les 15 à 35 ans, soit tout simplement moins nombreux. L'intégration au marché de l'emploi et la plus grande probabilité d'être arrêté sont également évoqués.

Marc Ouimet y va d'une autre explication audacieuse: il y a moins de meurtres... parce qu'il y a moins de crimes. Une partie importante des crimes violents survient en effet dans le contexte d'infractions plus mineures qui dégénèrent. Le criminologue croit également que des développements technologiques, de l'utilisation moins répandue de l'argent liquide à la télésurveillance, rendent le crime moins facile. Enfin, il y a un «processus de civilisation» qui rend le crime moins acceptable, que ce soit le meurtre ou la conduite en état d'ébriété. «Le message est le même: il faut respecter l'autre et la violence à son égard est inacceptable», écrit M. Ouimet dans un document de réflexion.

«Les tendances d'homicides ressemblent pas mal aux tendances du reste de la criminalité, explique-t-il en entrevue. L'homicide est un peu le dérivé des autres crimes, et il n'a jamais été aussi bas. Mais je parle assez souvent à des journalistes et quand je leur dis: Non, tout va bien, ça baisse, on dirait que ça ne les intéresse pas!»