Le phénomène est très peu documenté. Selon Statistique Canada, 90 personnes sont mortes de déficience nutritionnelle en 2005 au Québec, mais on ignore tout des circonstances de ces décès.

En 1999, une étude du gouvernement fédéral s'est intéressée aux carences nutritionnelles des sans-abri et les a liées à leur taux de mortalité plus élevé que le reste de la population. Chercheur à l'Institut national de santé publique du Québec, Robert Choinière avoue sa perplexité. « Est-ce que ce sont des gens qui manquent d'argent, ou des itinérants qui n'ont pas les facultés mentales pour bien se nourrir ? Il faudrait quasiment faire un suivi de cas pour connaître les vraies causes. » Il soulève également la théorie qu'il pourrait s'agir par exemple d'adolescentes anorexiques. Le hic, c'est que les classifications de décès dans ce cas sont complexes.

En France, deux études conduites en 2001 et 2002 ont montré que les sans-abri montraient des signes de malnutrition avec d'importantes carences de vitamines qui provoquaient de sérieux problèmes de santé. Les organismes d'aide disposent maintenant d'une petite pochette baptisée « Vitapoche » qui contient une pâte chocolatée offrant la plupart des nutriments indispensables.

Robin Couture, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, trouve « surprenant » que 90 personnes soient mortes de malnutrition au Québec. « Mais en même temps, ce ne l'est pas. On voit depuis plusieurs années des situations de crise. On voit actuellement les effets de la crise économique, mais il y a la crise du logement, la crise alimentaire qui ont eu des effets, Des crises qu'on voit poindre, mais qui sont bien ancrées. Les personnes en situation de pauvreté sont un peu en état de crise permanente, on les tient en condition de survie, que ce soit à l'aide sociale, ou par d'autres moyens. »

Trop souvent, dénonce-t-il, les personnes pauvres sont confrontées à des alternatives néfastes pour leur santé, quoi qu'elles fassent. « Les gens sont obligés de choisir par exemple entre se payer des médicaments et manger. Ce sont des choix qui ne devraient plus se faire dans une société comme la nôtre. Si on mange moins, on tombe malade et on n'a plus les moyens de s'en sortir. Si les gens ne prennent pas leurs médicaments, ils mangent peut-être un peu mieux, mais ils tombent malades quand même. »