Une facture de 2,5 milliards, des dons de 24 millions. Alors que les coûts planifiés du CHUM ne cessent de gonfler, la contribution du secteur privé se fait attendre. Ce n'est rien de très rassurant pour les Québécois.

Le projet du CHUM au centre-ville, qui sera complété dans près de 10 ans, aura coûté plus du double de ce qui avait été prévu au départ. Et la facture risque de grimper encore.

La construction du nouveau CHUM et de son centre de recherche est évaluée à 1,865 milliard. À cela s'ajoute un montant de 650 millions pour faire face au coût d'inflation et aux risques associés aux travaux de construction qui s'échelonneront de 2010 à 2018.

À ce moment, le CHUM aura coûté 2,5 milliards. Mais il ne s'agit encore que d'estimations, a reconnu le ministre de la Santé, Yves Bolduc, plus tôt cette semaine en procédant à l'appel de propositions.

«On est encore dans les estimés, mais on est de plus en plus près de la phase finale et des montants finaux», a-t-il déclaré.

La facture a gonflé depuis que le gouvernement a annoncé que le CHUM verrait le jour au centre-ville. C'est parce que le projet a été bonifié depuis, a rappelé le ministre Bolduc.

Le méga-hôpital comptera plus de lits, plus de salles d'opération, plus de places de stationnement et des bureaux individuels pour les médecins.

Une décision qui surprend un ancien consultant qui a travaillé sur le projet et qui devait alors respecter une enveloppe budgétaire très stricte.

«Clermont Gignac (directeur exécutif des projets de modernisation des CHU) tenait les cordons de la bourse très serrés. Déjà, à l'époque, avant le projet bonifié, il disait que le projet avait 25 000 mètres carrés de trop pour respecter le budget. Et là, paf, on se retrouve avec un projet qui compte 72 lits de plus et des salles d'opération de plus.»

En choisissant de construire le CHUM en partenariat public-privé (PPP), le gouvernement affirme transférer au privé les risques associés aux coûts, à la construction et à l'entretien de la bâtisse pendant 30 ans.

Or, c'est une utopie. Il est impossible de prédire exactement ce qu'aura coûté le CHUM au terme de l'entente avec le privé, lance Jacques Fortin, professeur à l'école des Hautes Études commerciales, spécialisé dans la question des prévisions économiques.

«C'est fou raide de penser qu'on peut prévoir pour 30 ans. Déjà, pour trois ou quatre ans, c'est difficile, surtout dans le contexte économique actuel.»

Il faut tenir compte de prémisses comme les coûts d'énergie, la croissance salariale, le coût des matériaux. Pour se protéger, les consortiums vont exiger un coussin de sécurité faramineux, prévoit M. Fortin.

«C'est une aberration de la part du gouvernement cet entêtement à aller en PPP. Si j'étais en affaires, j'exigerais une fortune en contingence.»

Chaque retard coûte cher

L'aventure du CHUM est marquée depuis le début par des délais et des tergiversations qui s'accumulent. Cette fois, le gouvernement Charest est visiblement pressé d'aller de l'avant.

En procédant à l'appel de propositions, cette semaine, le premier ministre Charest a insisté sur l'importance de ne pas retarder davantage l'échéancier du CHUM.

Avec raison. Chaque nouveau délai provoque morosité et scepticisme. Mais surtout, chaque retard entraîne des coûts supplémentaires.

C'est la raison pour laquelle le gouvernement prévoit maintenant une enveloppe de 650 millions pour l'inflation et les risques associés à la construction. Cette enveloppe était d'environ 150 millions en 2006.

Chaque heure de retard coûte 12 000$, affirme le Dr Guy Breton. Vice-recteur à l'Université de Montréal, il a agi à titre de conseiller spécial auprès du CHUM l'automne dernier.

«Si on tient compte d'un coût d'inflation annuel de 5%, le CHUM coûte 75 millions par année. C'est 300 000$ par jour ouvrable et 12 000$ de l'heure», explique le Dr Breton en entrevue.

400 millions en équipement

Le coût total du CHUM, dévoilé cette semaine, ne tient pas seulement compte de la construction du centre hospitalier et du centre de recherche.

Il prévoit aussi les sommes nécessaires pour la rénovation de l'hôpital Notre-Dame, qui deviendra un hôpital communautaire, de même que les équipements de pointe qui seront nécessaires dans le futur CHUM.

Le méga-hôpital disposera d'environ 400 millions en équipements. La moitié sera de l'équipement neuf et l'autre moitié proviendra des trois hôpitaux actuels du CHUM, explique le directeur général par intérim du centre hospitalier, Serge Leblanc.

La planification des équipements, comme les appareils d'imagerie médicale ou les scans qui seront réutilisés ou qui devront être achetés pour le futur CHUM, est basée sur la durée de vie utile des appareils, établie par Québec.

«Cette enveloppe de 400 millions, on l'a revue il y a un peu plus d'un mois», indique M. Leblanc. Elle est donc à jour.

Mais tout nouveau délai viendrait changer la donne. «Ce sont les données que nous avons avec les échéanciers actuels. Si quelque chose faisait que c'est en 2021 que le CHUM sera complété, il y a beaucoup d'équipements qu'on prévoyait déménager et on ne pourra pas le faire.»