«La mort tragique de Natasha Richardson aurait-elle pu être évitée si son accident avait eu lieu aux États-Unis?» Près de deux semaines après le drame, le système de santé canadien continue de s'attirer des critiques dans les médias américains. Les médecins d'ici ripostent.

Cette fois, l'attaque vient d'un éditorial publié dans le Chicago Tribune et le New York Post, qui affirme que les chances de survie de l'actrice aurait été «nettement meilleures» si elle avait été blessée dans un centre de ski américain. Son auteur, le Dr Cory Franklin, médecin à Chicago, reproche au Québec ne de pas être doté d'un hélicoptère médical et critique le fait qu'il n'y a pas de service de neurologie au centre hospitalier de Sainte-Agathe-des-Monts (où Mme Richardson avait d'abord été conduite).

 

«Le système de santé canadien ne met pas assez d'accent sur l'accès aux technologies de pointe, comme les scanners, et l'accès rapide aux spécialistes comme les neurochirurgiens», accuse-t-il.

Cette affirmation a fait bondir le président de l'Association médicale canadienne, le Dr Robert Ouellet. «On ne remet pas en question un système de santé sur la base d'un seul cas! Les Américains ne peuvent pas profiter de l'occasion pour conclure que leur système est meilleur que le nôtre», a-t-il déclaré à La Presse hier.

L'urgentologue Alain Vadeboncoeur n'est pas plus tendre: «Le Dr Franklin y va de charges extrêmement agressives envers notre système de santé, comme si le fait qu'il soit public et universel avait un rapport dans cette histoire. Ce n'est pas le cas du tout.»

«Les indicateurs de santé sont même meilleurs ici qu'aux États-Unis. Ils n'ont vraiment pas de leçon à nous donner», ajoute le Dr Vadeboncoeur, qui est aussi porte-parole du regroupement Médecins québécois pour le régime public.

Le chef du service des soins intensif de l'hôpital de Sainte-Agathe, le Dr Bertrand Bissonnette, relève que le texte du Dr Cory Franklin est truffé d'imprécisions. «Il s'avance sur un cas dont il ne connaît même pas les détails. Et, contrairement à ce qu'il a écrit, il y a bel et bien un scanner à l'hôpital de Sainte-Agathe.»

Le Dr Bissonnette note que ces critiques fusent au moment où le président Barack Obama amorce une réflexion sur la politique américaine en matière de santé. «Pour beaucoup de démocrates, le système canadien est exemplaire, alors l'occasion était belle, pour certains lobbys, de noircir le tableau.»

Des questions

Le Dr Vadeboncoeur estime toutefois que cet incident soulève certaines questions. «Il n'y a pas eu faute, mais peut-être que l'organisation du travail et l'utilité d'avoir un hélicoptère médical devraient être révisées», dit-il.

Pour faire une réelle différence, un hélicoptère médical devrait alors être basé en permanence à Mont-Tremblant ou à l'hôpital de Sainte-Agathe, et non à Montréal. Le Québec n'a pas les moyens de se doter de plusieurs hélicoptères médicaux, souligne le Dr Bissonnette. Le transport de Natasha Richardson entre Sainte-Agathe et la métropole a pris moins de 45 minutes.

Le Dr Robert Ouellet estime de son côté qu'il faudrait plutôt envisager de rendre le port du casque obligatoire. «Cet accident-là aurait peut-être pu être évité dès le départ», croit-il.

Des poursuites difficiles

La famille de Natasha Richardson n'a pas commenté les propos du Dr Franklin, pas plus que les autres critiques soulevées le week-end dernier dans d'autres médias américains. Mais si elle décidait d'entamer des poursuites contre le centre de ski ou le système de santé québécois, sa tâche serait des plus difficiles, dit Paul Brunet, porte-parole du Conseil de protection des malades.

Ses avocats devraient d'abord prouver qu'il y a eu faute ou négligence, puis des dommages, et faire le lien entre les deux. Or, la victime a refusé de porter un casque protecteur et refusé d'être transportée à l'hôpital immédiatement après sa chute. «Est-ce qu'elle s'est elle-même placée en situation de risque? Ce serait certainement soulevé dans un procès», a-t-il dit. La famille a trois ans pour intenter une poursuite judiciaire.