Dans un système de santé universel, il n'est pas normal que les patients qui ont des «contacts» soient soignés plus vite. Il est temps que la population exige des changements, presse le président de l'Association médicale canadienne, le Dr Robert Ouellet.

«Il faut arrêter de jouer à l'autruche», déclare le Dr Ouellet, en rencontre éditoriale avec La Presse. «La personne qui n'a pas de contacts va attendre plus longtemps. Est-ce correct?»

Il n'est pas normal que des hôpitaux en soient rendus à établir des règlements internes pour la gestion des patients envoyés par des proches. Par exemple, un médecin va accepter de trouver un rendez-vous pour la famille immédiate de son patient, mais pas pour ses voisins, dénonce le Dr Ouellet.

D'autres pays ont pourtant réussi à réduire considérablement leur temps d'attente, voire à l'éliminer pour ainsi améliorer leur système de santé. C'est ce qu'a constaté le président de l'AMC, qui revient d'une tournée en Angleterre, en Belgique, en France, aux Pays-Bas et au Danemark.

Là-bas, les délais d'attente ont fondu. Les gens n'ont pas besoin de connaître quelqu'un pour être soignés, affirme le Dr Ouellet.

Le problème, c'est le manque de volonté politique. Elle ne viendra que si la population exige des changements et des temps d'attente moins longs, croit-il.

Personne n'accepterait de se faire dire par son garagiste qu'il ne pourra réparer sa voiture avant plusieurs mois. Pourquoi est-ce toléré lorsqu'il s'agit d'obtenir un rendez-vous avec un médecin ? demande le Dr Ouellet.

«S'il y a une chose que je souhaite au cours de mon mandat, c'est de sensibiliser la population au fait qu'il existe ailleurs des systèmes de santé universels où il n'y a pas de temps d'attente.»

En Angleterre, par exemple, le temps de séjour aux urgences a été réduit à quatre heures.

En France, des patients sont régulièrement soignés dans les cliniques privées sans payer un sou, ce qui libère les hôpitaux.

Ce serait possible ici aussi, croit le Dr Ouellet, qui donne l'exemple de l'hôpital du Sacré-Coeur, où l'on a instauré un partenariat avec la clinique privée Rockland MD pour y faire opérer des patients. «Les gens crient contre ça, mais ce qui est important, c'est le nombre de patients de plus qui ont été opérés. On oublie ça.»

Les pays européens ont aussi revu le financement des hôpitaux. Au lieu d'un budget global, ils reçoivent un budget par activité. Les notions de reddition de comptes et de concurrence sont au coeur du système de santé. Des notions qui n'existent pas au Canada.

Par contre, les pays européens peuvent compter sur un plus grand nombre de médecins, reconnaît le président. Malgré tout, il se dit convaincu qu'il s'agit de changer les perceptions pour améliorer le système.