Pour donner un nouveau souffle à un projet qui a connu plus que sa part de problèmes, le gouvernement Charest a décidé de réaliser un coup médiatique et de procéder au «lancement du CHUM» lundi après-midi, à Montréal.

Jean Charest et quelques-uns des ministres les plus importants, d'Yves Bolduc (Santé) à Monique Jérôme-Forget (Finances), en passant par Raymond Bachand (Développement économique), monteront sur une tribune en après-midi à l'édifice Vidéotron, en face du futur CHUM, pour se faire rassurants quant à la bonne marche du projet.

Surtout, ils annonceront la décision prise cette semaine par le Conseil des ministres de donner le feu vert à l'appel de propositions publiques, pour inviter les consortiums intéressés à soumissionner en partenariat public-privé (PPP). Le Conseil des ministres a eu une réunion restreinte, tenue secrète, vendredi. Cet appel de propositions, une opération délicate dans le contexte de crise économique qui réduit les possibilités de financement, a déjà été retardé deux fois, en décembre et en janvier.

Par ailleurs, Québec a déjà décidé d'adopter un décret pour éviter un nouveau processus de consultation par la Ville de Montréal, avec l'appui de l'administration du maire Gérald Tremblay, qui sera présent lundi. Le gouvernement va recourir à l'article 158 de la Loi sur l'aménagement urbain pour décréter que le quadrilatère devient «zone d'intervention spéciale»: la consultation relèvera dorénavant de Québec et pourra même se limiter à une seule séance.

Crise interne

Dans les coulisses, une importante crise de confiance couve. Les médecins de l'établissement ont rencontré le ministre Bolduc jeudi soir, mais ont exigé que les membres du conseil d'administration du CHUM ne soient pas présents à la réunion. Les médecins sont furieux que le ministère de la Santé ait pendant des mois tenté d'imposer des cliniques privées, en ophtalmologie notamment, pour finalement revenir sur sa décision. Cette discipline sera intégrée à l'édifice, avec les changements que cela suppose sur les plans fonctionnels et techniques.

À l'Assemblée nationale, la ministre Jérôme-Forget et le critique péquiste Sylvain Simard ont croisé le fer pendant deux heures sur le bien-fondé du choix des PPP par le gouvernement. Pour la ministre, on fait trop grand cas de cette filière, qui ne touche que 10 % des projets d'immobilisation de Québec. Pour M. Simard, ce choix des PPP a des conséquences importantes sur les coûts de financement des projets.

M. Simard a noté que même en temps normal, les entreprises privées paient des taux d'intérêt plus élevés que le gouvernement, ce qui augmente le coût des ouvrages publics réalisés en PPP. En cette période de crise financière, les banques sont frileuses et prêtent encore moins facilement aux entreprises privées. Ces dernières paient désormais 2,5% d'intérêts de plus que les gouvernements, ce qui, sur 30 ans, représentera une facture supplémentaire de 2 milliards de dollars pour le CHUM, affirme le député péquiste.

Deux consortiums se sont qualifiés pour construire le CHUM en PPP. Le premier est dirigé par le groupe d'ingénieurs Axor et la société britannique Innisfree. Le second était dirigé par la société espagnole Acciona et le groupe australien Babcock & Brown. Ce dernier groupe, au bord de la faillite, a dû se retirer et n'a pas été remplacé. La société Acciona connaît elle-même des problèmes. Ses dirigeants viennent d'annoncer qu'ils sont incapables de trouver le financement nécessaire pour des projets d'éoliennes en PPP dans les Maritimes, qui sont pourtant moins coûteux que le CHUM.

Augmentation de 50%

Selon ce qu'a appris La Presse, les coûts du CHUM ont augmenté de façon importante. Il y a deux ans, dans l'appel de qualification, Il était question de 850 millions de dollars simplement pour la construction, le financement et les coûts d'entretien durant 30 ans. L'appel de propositions en préparation évoque plutôt une somme de 1,3 milliard, soit une augmentation de 50% en deux ans. Des sources fiables indiquent que, en incluant les équipements nécessaires, on atteindra les deux milliards.

L'inflation a eu un impact mais, surtout, il a fallu ajouter les coûts de démolition et de reconstruction de l'hôpital Saint-Luc et de sa reconstruction. De plus, la superficie a augmenté de plus de 15% depuis 2006, passant à 220 000 m2. Il y aura 772 lits, 72 de plus que prévu. Le nombre de blocs opératoires passe de 30 à 39.

Comme l'a indiqué La Presse la semaine dernière, la hauteur maximale de l'édifice sera de 85 m, cinq de plus que dans le projet qui avait été soumis à l'Office de consultation publique il y a deux ans. Pour tenter de satisfaire la Ville, on prévoit désormais des angles au bloc prévu jusqu'ici: une pente qui voudra reprendre l'angle de l'église voisine. Le nombre de places de stationnement est appelé à doubler.

La fin des travaux passe de décembre 2013 à 2018. Le premier édifice sera terminé selon l'échéancier original, en 2013, mais il faudra attendre cinq ans pour voir tout le grand hôpital achevé avec le bâtiment situé sur l'emplacement actuel de l'hôpital Saint-Luc.