Les médecins québécois gagnent moins que leurs confrères des autres provinces, et cet écart s'est accru entre 2005 et 2007, selon une nouvelle étude de l'institut canadien d'information sur la santé (icis). l'écart est particulièrement important en psychiatrie et en neurochirurgie, des disciplines presque deux fois mieux payées ailleurs au Canada.

«Ce n'est pas nouveau, et la situation est pire que dans le rapport », affirme Gaétan Barrette, le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec. « Depuis 2007, les médecins des autres provinces ont une augmentation de 4% par année, qui est garantie jusqu'en 2012. C'est davantage que ce qu'on a obtenu pour réduire l'écart. »

L'an dernier, le ministère de la Santé du Québec a accepté d'augmenter de 26,5% à 35% la rémunération des médecins d'ici 2016 (les différentes parties ne s'entendent pas sur les chiffres). Les données du Dr Barrette signifient que les médecins des autres provinces auront une augmentation de 17% en quatre ans jusqu'en 2012, ce qui serait supérieur aux augmentations québécoises.

Au ministère de la Santé, la porte-parole Dominique Breton considère elle aussi que l'étude de l'ICIS ne reflète pas la réalité. Mais elle estime que l'écart est moins grand, à cause des « bonifications » qui ont commencé en avril 2008, et des améliorations dans la rémunération mixte. Mme Breton ne pouvait pas commenter les données du Dr Barrette quant à l'augmentation des salaires médicaux ailleurs au Canada entre 2007 et 2012.

L'auteure de l'étude de l'ICIS, Francine Anne Roy, confirme que les médecins qui ne sont pas rémunérés à l'acte faussent le portrait. « Il y en a de plus en plus, dit Mme Roy. Et dans les provinces où la rémunération à l'acte moins populaire, en général cela est dû à des efforts du ministère de la Santé pour rendre les autres méthodes de rémunération plus attrayantes. »

Par exemple, les deux disciplines où la rémunération à l'acte est le moins populaire au Québec, la psychiatrie et la neurochirurgie, sont aussi celles où l'écart est le plus élevé avec le reste du pays. Dans ces disciplines, seulement un médecin sur deux est rémunéré à l'acte, contre plus de 90% en Ontario. Les psychiatres ontariens rémunérés à l'acte sont payés 80% plus, et les neurochirurgiens deux fois plus.

Au Québec, la rémunération à l'acte est passée de 84% à 76% du total des paiements aux médecins entre 2000 et 2007. Le changement a été encore plus rapide en Ontario, la proportion passant de 93,2% à 79,8%. Malheureusement, l'étude de l'ICIS ne permet pas de vérifier si l'écart entre le Québec et le reste du pays est moins grand chez les médecins qui ne sont pas rémunérés à l'acte.L'autre inconnue est le coût de la vie dans les différentes provinces. «Les médecins rémunérés à l'acte ont des dépenses pouvant aller jusqu'à 35% de leurs revenus, selon des études publiées auparavant «, note Mme Breton. Mais Louis Godin, président de la fédération des médecins omnipraticiens, note que le coût de la vie au Québec est moins élevé qu'en Ontario ou en Colombie-Britannique, mais certainement pas qu'au Nouveau-Brunswick.

Reste la question du français. les médecins anglo-canadiens sont courtisés par les hôpitaux américains. les médecins québécois francophones sont-ils moins attirés par les milieux anglophones, parce qu'ils veulent élever leurs enfants en français et rester proches de leurs amis et de leur famille? « c'est sûr que des facteurs culturels jouent, admet le Dr Godin. Mais chez les jeunes médecins et les futurs médecins, on voit beaucoup moins de réticence à aller travailler à Toronto ou à Calgary.»

Les femmes moins bien payées

Les femmes médecins rémunérées à l'acte sont 14% moins bien payées que leurs homologues masculins. La différence est particulièrement importante en pédiatrie et en physiatrie, et moins grande en chirurgie. La seule discipline où les femmes sont mieux payées que les hommes (0,1% de plus) est l'obstétrique. Ces chiffres, tirés de l'étude de l'ICIS, sont basés sur un équivalent de temps complet. La féminisation de la profession pourrait d'ailleurs expliquer la popularité décroissante de la rémunération à l'acte, les autres types de rémunération ayant des horaires plus prévisibles.