Le commissaire à la santé et au bien-être du Québec a finalement tranché après un an de réflexion: toutes les femmes devraient avoir accès gratuitement à un test de dépistage du syndrome de Down (trisomie 21). Ce test aidera les parents à prendre des «décisions éclairées» sur leur avenir. Mais s'il choisit d'aller en ce sens, le gouvernement devra être très prudent, prévient le commissaire.

Le débat éthique sur la légitimité des tests de dépistage du syndrome de Down est vif au Québec. Dans sa nouvelle Politique en périnatalité publiée l'an dernier, le ministère de la Santé et des services sociaux (MSSS) évitait de se prononcer sur le sujet.

 

Le MSSS a plutôt demandé au commissaire à la santé et au bien-être, Robert Salois, de déterminer si un programme de dépistage systématique et gratuit de la trisomie 21 devait être implanté au Québec. Dans son rapport publié hier, M. Salois conclut que oui, mais pas sans condition.

Actuellement, les futures mamans n'ont pas accès à des tests de dépistage gratuits. «Ils coûtent environ 400$ ou 500$ au privé et 210$ au public», affirme la présidente de l'Association des obstétriciens-gynécologues du Québec (AOGQ), la Dre Corinne Leclercq.

Coût financier non évalué

Le test de dépistage le plus populaire est l'échographie de clarté nucale combinée à une prise de sang. Pour les femmes enceintes de plus de 35 ans, l'amniocentèse est offerte gratuitement. Mais ce test n'est pas sans risque sur la grossesse, explique la Dre Leclercq.

Celle-ci se réjouit de la décision du Commissaire. «Avec le dépistage systématique, la question financière n'entrera plus en compte», dit-elle. Dans le rapport du commissaire, le coût d'un programme de dépistage systématique n'est pas évalué. On ne détermine pas non plus quel type de dépistage devrait être privilégié.

S'il soutient le programme de dépistage universel, M. Salois apporte plusieurs précisions. Il dit entre autres que l'on devra s'assurer d'avoir réellement le consentement «libre et éclairé» des parents avant de leur faire subir le test. «On devra parler des risques, mais aussi de comment vivre avec un enfant trisomique et aussi parler de ce que les personnes trisomiques peuvent apporter à la société», explique la commissaire adjointe à l'éthique, Guylaine de Langavant.

Pour la présidente du Regroupement pour la trisomie 21, Renée Veillette, les recommandations du commissaire à la santé sont somme toute acceptables.

Elle salue la proposition de donner accès aux parents à de l'information «libre et éclairée». «Trop souvent quand on parle de la trisomie 21, on parle des pires cas, dit-elle. Mais il y a des gens atteints de trisomie 21 qui ont leur permis de conduire aux États-Unis. Tous ne sont pas lourdement handicapés.»

Risque de réveiller des préjugés

Mme Veillette craint toutefois que le dépistage systématique du syndrome de Down n'augmente les préjugés.

Papa d'un gamin de 11 ans atteint de trisomie 21, Sylvain Fortin partage le même avis. «Avec le dépistage systématique, on va identifier les enfants atteints de trisomie comme étant des choses à éviter», dit-il.

Pour éviter ces préjugés, le commissaire Robert Salois recommande que les parents qui décident d'élever un enfant trisomique reçoivent plus de soutien du gouvernement.

Mme Veillette croit que la réflexion sur le dépistage prénatal devra se poursuivre. «Si on parvient un jour à détecter les enfants qui souffriront plus tard d'alzheimer, fera-t-on un dépistage systématique?» demande-t-elle.

Mme de Langavant se veut rassurante. «Dans le rapport, on fait une précision importante. On ne veut pas que nos conclusions soient transférées à d'autres maladies», assure-t-elle.