Le nouveau CHUM, ou Centre hospitalier de l'Université de Montréal, n'aura plus de cuisine centrale, a appris La Presse. Cela s'ajoute à une longue liste de services qui ne seront plus offerts dans le futur hôpital, comme l'ophtalmologie, la gastroentérologie, la plupart des cas de psychiatrie, les services administratifs et d'autres.

La majorité des plats seront cuisinés à l'extérieur par l'entreprise privée, et souvent surgelés. Ils seront transportés par camion et distribués dans quatre ou cinq «cuisines satellites», où ils seront dégelés selon le cas, puis réchauffés. Après une dernière préparation, les plats seront envoyés aux étages.

 

Le même système sera implanté au Campus Glen du CUSM, le Centre de santé de l'Université McGill. «Ce sera un meilleur service pour les patients, assure Sylvain Villiard, directeur général adjoint au CHUM centre-ville. Un patient pourra commander un poulet chasseur et l'avoir dans les 20 minutes.»

Tous ne partagent pas cet optimisme. Denise Ouellet, responsable des cours de gestion de services alimentaires en milieu hospitalier pour le programme de nutrition à l'Université Laval, a des craintes quant à la variété des plats faits à l'extérieur, à leur valeur nutritive et à l'adaptation aux besoins particuliers des patients.

«La grande majorité des mets au menu (80%) sera achetée de l'entreprise privée; réfrigérée et/ou surgelée, en vrac et/ou en portions individuelles», explique une récente version du programme fonctionnel et technique du CUSM, qui explique en détail le fonctionnement de ce modèle qui sera suivi par les deux futurs hôpitaux universitaires.

«Des cuisines satellites (sites receveurs) seront aménagées au Glen avec des espaces pour recevoir et entreposer les mets préparés provenant de la cuisine de production ou du marché agro-alimentaire. Tous les sites receveurs seront équipés d'une zone de cuisson pour effectuer les préparations complémentaires.

«Selon le mode de distribution des repas, les cuisines satellites seront munies de pièces d'équipement pour la remise en température des mets et des espaces seront dédiés à la remise en température sur les unités de soins. Dans ce modèle de service, les patients commandent leur repas à un centre d'appels.»

«En modifiant nos façons de faire, on va améliorer le service, martèle Sylvain Villiard, du CHUM. Ce sont des systèmes qui existent aux États-Unis et qui sont testés au CUSM. Si on prend un exemple concret, le pâté chinois sera fait sur le marché en quatre sortes différentes pour répondre aux besoins particuliers des patients, un sans sel, un autre réduit en matières grasses, un autre sans gluten et un autre traditionnel. On va acheter le pâté chinois à l'avance. A l'hôpital, un cuisinier le divisera en portions, mais il n'aura pas à faire l'assemblage steak, blé d'Inde, patates.»

Le modèle existe déjà au Québec, soit au nouvel hôpital Le Gardeur, ouvert en 2004 à Lachenaie, en banlieue est de Montréal, explique la diététiste France Dupras, qui y dirige les activités d'alimentation. Le principal fournisseur est une compagnie ontarienne, Healthcare Food Services. HFS envoie deux camions par semaine à Lachenaie.

«Il s'agit surtout d'aliments surgelés, qui nous arrive dans de grands plats de plastique ou d'aluminium, ou encore dans des sacs, dit Mme Dupras. Ils sont dégelés pendant 24 ou 36 heures dans de grands réfrigérateurs. Après la mise en assiette, les mets sont envoyés aux étages, qui sont dotés de chariots de remise en température.»

Brad McKay, directeur de HFS, affirme que sa compagnie dessert plusieurs hôpitaux au Québec, mais de façon moins importante. Ses plats sont généralement distribués par la multinationale américaine Sysco. L'hôpital Le Gardeur s'approvisionne aussi auprès des Aliments Martel et des compagnies Campbell et Nestlé.

Au cours d'un entretien avec La Presse, M. Villiard a dit qu'il ignorait combien de personnes travailleraient dans les «cuisines satellites» du futur CHUM. Mais au cours d'une rencontre avec le syndicat l'automne dernier, il a dit qu'il n'aurait plus besoin que de 20% des effectifs actuels aux cuisines du CHUM, assure France Morin, présidente du syndicat des employés. Selon elle, le service de buanderie de l'hôpital Saint-Luc, où sera construit le nouvel hôpital, disparaîtrait également.

La sous-traitance des services alimentaires engendre des économies à court terme, en permettant de diminuer la taille du bâtiment, mais pourrait se révéler coûteuse à long terme, estime Denise Ouellet, professeur à l'Université Laval. «Je ne suis pas favorable avec le virage tout au privé, dit-elle. Le CHUM va se placer dans une situation de dépendance envers les fournisseurs. Il y a aussi une perte de contrôle sur l'alimentation. La liaison froide, ça limite les menus, essentiellement à des mets en sauce, qui peuvent être réchauffés.»