Xavier Charland se souvient parfaitement de la date et de l'heure. Le 9 janvier dernier, à 18h, le jeune homme, qui souffre de troubles envahissants du développement, a gagné 100 000$ à l'émission Le Banquier. Mais il a aussi remporté là-bas un prix d'une valeur inestimable: la chance de décrocher un emploi.

La grande firme comptable Raymond Chabot Grant Thornton a en effet offert au jeune étudiant en comptabilité un stage de six mois.

 

«Jamais je n'aurais pensé que je travaillerais dans un 22e étage», dit-il en riant. Et comment ça s'est passé? «Très bien. Les cinq huitièmes de la première journée ont été consacrés à m'installer», dit-il. Vous le voyez, Xavier Charland a une petite obsession pour les chiffres. Donnez-lui une date qui remonte à 25 ans, et il vous dira, après avoir calculé mentalement pendant quatre ou cinq secondes, quel jour cette date tombait. Comment fait-il? «C'est une formule assez complexe.» Il peut, sans peine, faire des multiplications de nombres à quatre chiffres dans sa tête.

À 2 ans, il connaissait tous ses chiffres. À 3 ans, il faisait des racines carrées avec ses petites autos. À 12 ans, le diagnostic est tombé: autiste «de haut niveau». Six ans plus tard, Xavier étudie en comptabilité au cégep. Et vous devinez qu'il est parfaitement à sa place dans ce programme d'études.

Bernard Grandmont, associé de Raymond Chabot, a accepté qu'on offre un stage à Xavier. «On nous a informés à l'émission qu'il y avait un candidat autiste, que sa grande force, c'était les chiffres. Et qu'il rêvait de travailler dans ce domaine-là.» Malgré quelques appréhensions, M. Grandmont donne le feu vert au projet. Et il s'en félicite encore aujourd'hui. «Nous avons été agréablement surpris. Ça a été une expérience emballante «, dit-il. Xavier devait faire de l'entrée de données pour la préparation d'états financiers. «Quand on a ouvert les logiciels pour les états financiers, je l'ai vu sourire. Il était dans son élément, c'était évident.»

Avant que Xavier n'arrive chez Raymond Chabot, ses futurs patrons ont rencontré ses parents. Ils étaient un peu circonspects. «On avait un million de questions. Et leur réponse a été: traitez-le comme tout le monde.» C'est ce qu'ils ont fait. Et ils ont découvert un jeune stagiaire toujours enthousiaste, à la ponctualité de montre suisse. Son travail a été impeccable.

Pourtant, Xavier avait passé, depuis un an, plusieurs entrevues. Aucune firme comptable ne l'avait embauché. «Tout ce qu'on peut avoir de vision négative par rapport aux autistes, dans un milieu de travail, ça peut être d'immenses qualités. Mon frère n'arrivera jamais en retard. Jamais il ne va se faire déranger par un potin. Il ne mentira jamais. Il a une passion pour les chiffres. Mais ça ne paraît pas en entrevue», déplore sa soeur Sarah, qui fait son doctorat en psychologie.

 

Les TED, c'est quoi?

Les troubles envahissants du développement (TED), qui incluent l'autisme, le syndrome d'Asperger et le syndrome de Rett, ne constituent pas une maladie mentale. Il s'agit plutôt d'un désordre d'origine neurobiochimique, qui se déclare dans les premières années de la vie. Les messages que les sens transmettent au cerveau sont mal interprétés. Dès leur plus jeune âge, les enfants atteints de TED ont donc des troubles graves de langage et de socialisation. Le mauvais fonctionnement des sens entraîne des comportements étranges et parfois répétitifs. Mais, dans 80% des cas, l'intelligence de ces enfants est normale et peut même être supérieure à la moyenne. C'est le cas notamment des autistes de haut niveau et des gens atteints du syndrome d'Asperger, qui ont des capacités cognitives parfois exceptionnelles. Il est difficile de dire avec précision combien de gens au Québec souffrent de TED mais, selon le taux officiel de prévalence, il y aurait au moins 16 000 personnes TED dans la province.