En encadrant une longue liste d'opérations pouvant être réalisées dans les centres médicaux spécialisés (CMS) privés, le gouvernement Charest a sérieusement mis en péril le système de santé québécois, selon la CSN et la FTQ. Estimant que cette nouvelle cohabitation du public et du privé en santé est dangereuse, les deux syndicats veulent s'adresser à la cour supérieure pour faire annuler le règlement sur les CMS.

Depuis le dépôt de l'arrêt Chaoulli en 2005, le débat sur la place du privé en santé fait rage au Québec. En décembre 2006, le gouvernement Charest a adopté la loi 33 qui permettait aux citoyens de subir des chirurgies de la hanche, du genou et de la cataracte dans des cliniques privées si les délais de traitement étaient inacceptables dans le réseau public.

Puis en novembre 2007, l'ancien ministre de la Santé, Philippe Couillard, a obligé les cliniques privées à se doter d'un permis de CMS pour avoir le droit de pratiquer une cinquantaine de chirurgies. À la demande des médecins spécialistes, ce projet de règlement a été modifié une dernière fois l'été dernier pour inclure certaines chirurgies sous anesthésie générale, régionale et locale.

«L'objectif de la liste, c'était de s'assurer que les chirurgies risquées étaient effectuées dans des CMS qui avaient obtenu un permis en bonne et due forme. La liste exhaustive était impossible à dresser. Nous avons donc réunie les chirurgies en trois catégories en fonction de leur degré d'anesthésie», explique le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, Gaétan Barrette.

Toujours à la demande des médecins spécialistes, le coût du permis de CMS est aussi passé de 5000$ à 1000$.

Selon la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, ces modifications sont dangereuses. «La liste des chirurgies pouvant être faites au privé est maintenant indéfinie, ce qui est contraire à la loi», dit-elle. Mme Carbonneau estime que les modifications créeront une «business» de la santé qui «va drainer toutes les ressources du réseau public qui souffre déjà de graves pénuries».

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, assure que le règlement n'ouvre pas du tout la porte au privé. «Au contraire. Il encadre mieux des chirurgies qui étaient déjà faites dans des cliniques privées depuis plusieurs années. Nous n'avons pas augmenté le nombre d'opérations pouvant être faites au privé. Nous avons mieux encadré ce qui était déjà fait», dit l'attachée de presse du ministre, Marie-Ève Bédard.

Le Dr Barrette ajoute que le gouvernement ne permettra jamais à des CMS d'effectuer des opérations délicates comme des chirurgies du cerveau ou des pontages coronariens. Car ces opérations nécessitent de l'hébergement. «Et au Québec, seul le gouvernement a le droit de donner des permis d'hébergement hospitalier. De tels permis ne se donneront jamais à des CMS», croit le Dr Barrette.

Le président de la FTQ, Michel Arsenault, déplore quant à lui que M. Couillard ait fait adopter ces changements durant l'été, quelques jours avant de démissionner. «M. Couillard travaille aujourd'hui pour une compagnie privée qui aide à financer les médecins qui ouvrent des cliniques privées. M. Couillard s'est préparé un plan d'affaires avant de partir», affirme M. Arsenault. Joint par La Presse, M. Couillard n'a pas voulu commenter la situation.

Le règlement sur les CMS entrera en vigueur en janvier prochain. La CSN et la FTQ veulent déposer leur recours dans les prochains jours. «Nous sommes en campagne électorale. Nous demandons aux partis de se positionner clairement quant à la place du privé en santé», demande M. Arsenault.