Les pédiatres de l'hôpital Sainte-Justine risquent le burn-out si une solution n'est pas trouvée à la pénurie de personnel qui frappe les urgences, a déclaré la chef du service de pédiatrie de Sainte-Justine, la Dr Thuong Nguyen.

«La solution à long terme ne nous appartient pas, a dit la Dr Nguyen. Mais si on continue, on s'en va tous vers un épuisement professionnel.»

Hier, les médecins de Sainte-Justine ont demandé aux parents d'enfants qui ne sont pas sérieusement malades d'utiliser de préférence des ressources locales comme les cliniques médicales.

«Est-ce que Sainte-Justine doit être le lieu pour accueillir les urgences mineures? demande la Dre Julie Powell, présidente du conseil des médecins et dentistes de l'hôpital pour enfant. Peut-être pas.»

Les médecins de Sainte-Justine réagissaient à la nouvelle publiée hier dans La Presse, qui montrait que presque un patient sur cinq quitte les urgences de l'hôpital sans avoir été vu par un médecin, tellement l'attente est longue.

Cette situation qualifiée de «dangereuse» dans le procès-verbal d'une récente réunion des pédiatres, découle d'une «pénurie chronique» de pédiatres urgentologues.

Actuellement, explique le Dr Michael Arsenault, directeur des urgences, il y a trois pédiatres dans le quart de jour, trois dans le quart de soir et un la nuit. «L'idéal serait quatre, quatre et un, avec en plus un médecin généraliste pour les cas moins sérieux», dit-il.

Le pire est à venir, avertit cependant le Dr Arsenault: «au moins deux» médecins partent à la retraite en janvier. Et la liste de médecins disponibles pourrait alors tomber sous le seuil critique, ce qui causerait des «bris de service». Déjà, dit-il, depuis 10 ans, cette liste de disponibilité est tombée de 58 à 20.

«Ça ne veut pas dire que l'urgence fermerait, mais on ne réussirait plus à voir le même nombre de patients qu'actuellement, a dit le Dr Arsenault. Les temps d'attente s'allongeraient encore plus pour les cas jugés non urgents au triage.»

Réactions des chefs

La situation à Sainte-Justine a fait réagir les chefs en campagne hier.

Le chef libéral Jean Charest a rejeté le blâme sur les décisions des gouvernements péquistes. « Depuis notre élection en 2003, on gère les décisions de Mme Marois, a-t-il dit. De réduire le nombre de médecins, d'infirmières et de couper les inscriptions dans les facultés de médecine et de sciences infirmières. Ce sont les conséquences directes des décisions de Mme Marois.»

Mais le Dr Arsenault dit vivre aussi avec les conséquences de décisions encore plus anciennes. «C'est en partie le résultat des coupes dans les admissions en médecine, a-t-il dit. Je ne sais pas qui était au pouvoir, vous pourrez vérifier.»

Vérification faite, un premier creux est survenu en 1993-1994, sous un gouvernement libéral, et un second en 1997-1999, sous un gouvernement péquiste.

Il y a aussi des décisions beaucoup plus récentes qui font mal, dit le Dr Arsenault, comme celle prise l'été dernier par le ministère de la Santé de ne pas financer la formation d'une urgentologue pédiatrique.

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, affirmait ne pas être au courant hier de cette décision. «Moi, je n'en ai pas entendu parler, a-t-il dit. Mais ça peut être géré au niveau du Ministère ou au niveau du directeur des affaires médicales. En passant, ce n'est pas un docteur qui va réussir à tout régler les problèmes de Sainte-Justine cette année.»

Devant un hôpital de Québec, le chef adéquiste Mario Dumont a accusé le gouvernement libéral d'avoir abandonné Sainte-Justine, tout comme l'ensemble du réseau de la santé.

Il est toutefois resté flou lorsqu'on lui a demandé les mesures concrètes qu'un gouvernement adéquiste mettrait en oeuvre pour régler le problème. «Il faut s'en occuper, a-t-il résumé. Il faut s'asseoir avec la direction de Sainte-Justine, leur demander "vous avez besoin de quoi?"»

La chef péquiste Pauline Marois a rejeté le blâme sur le premier ministre sortant, tout en soulignant que son parti propose une solution qui rejoint les demandes des médecins de Sainte-Justine. « Nous avons annoncé des engagements clairs sur la mise en place de groupes de médecine familiale qui permettraient que des gens aux prises avec des enfants qui ont des problèmes puissent consulter leur médecin avant de se rendre à l'urgence, a-t-elle déclaré. Mais moi, la question, je la poserais à Jean Charest. Qu'est-ce qu'il a fait depuis six ans pour régler le problème?»

«On a levé par exemple les limites aux actes médicaux pour les médecins pour éviter qu'ils ferment leurs cliniques les 25 de chaque mois, a déclaré M. Charest. C'est pour désengorger les urgences qu'on l'a fait.»

- Avec Malorie Beauchemin, Tommy Chouinard, Martin Croteau et Catherine Handfield.