Simon Dupéré n'a pas 30 ans. Diplômé en finances de l'Université McGill, il aurait pu brasser des affaires au centre-ville de Montréal. Il a choisi de s'installer à Thetford Mines pour prendre la tête de LAB Chrysotile, la plus grosse mine d'amiante encore en activité au Canada. «Si je pensais que c'était mauvais pour moi à long terme, croyez-moi, mon bureau ne serait pas à côté de la mine!»

LAB Chrysotile fait vivre 500 travailleurs à Thetford Mines. Mais de l'avis de nombreux scientifiques, le minerai qu'ils extraient des entrailles de la terre risque, lui, de les tuer à petit feu.

 

L'amiante cause des maladies pulmonaires mortelles. Les Québécois sont malheureusement bien placés pour le savoir: selon l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), les cas d'amiantose et de mésothéliome sont 10 fois plus fréquents ici que dans le reste du Canada.

«Chaque année, 80% des décès non accidentels indemnisés par la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST) sont liés à des maladies de l'amiante», souligne Louise De Guire, médecin-conseil à l'INSPQ.

Malgré ces statistiques effarantes, difficile de trouver un politicien québécois en faveur de l'interdiction du chrysotile. En 2004, les élus de l'Assemblée nationale se sont même prononcés à l'unanimité contre l'inscription du minerai sur la liste des produits toxiques de la convention de Rotterdam.

«Fort lobby»

«Cela fait 50 ans qu'on connaît les problèmes de santé liés à l'exposition à l'amiante, dit la Dre De Guire. Notre problème, c'est qu'on est un pays producteur et qu'il y a un fort lobby pour appuyer cette industrie.»

La foi de nos politiciens envers le minerai - interdit dans la plupart des pays industrialisés - est si grande qu'ils ont adopté en 2002 une «politique d'utilisation accrue et sécuritaire de l'amiante chrysotile au Québec».

Cette politique inquiète la Dre De Guire, qui souligne que la norme d'exposition maximale des ouvriers à l'amiante, au Québec, est 10 fois supérieure à celles du reste du pays. Et que les avis de dérogation émis par la CSST sur les chantiers de construction où il y a de l'amiante sont légion.

«L'utilisation sécuritaire, c'est un beau concept, mais on a du mal à le mettre en pratique au Québec. Alors imaginez dans les pays où l'on exporte le chrysotile, comme en Inde ou au Vietnam! C'est difficile de se mettre la tête dans le sable et de faire semblant que tout est beau, que tout va bien.»

Contre vents et marées, Québec et Ottawa continuent pourtant à promouvoir, à coups de dizaines de millions, une industrie qui vivote. Désormais, l'«or blanc» ne fait plus vivre des régions entières.

Pour le député néo-démocrate Pat Martin, «la position du Canada n'a rien à voir avec la logique, la science ou l'économie. Elle a tout à voir avec la politique du gouvernement fédéral envers le Québec, qu'il ne veut surtout pas froisser. Mais on ne fait aucune faveur aux Québécois en les envoyant dans des mines d'amiante, parce que l'amiante tue. Et l'amiante du Québec tue autant que les autres.»