La construction du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) risque d'entraîner la destruction de l'église Saint-Sauveur, un élément important du patrimoine urbain. La Ville de Montréal avait pourtant adopté un règlement pour préserver le bâtiment en 2006. Mais les récents bouleversements entourant le projet du CHUM ont modifié ces prévisions. Finalement, la décision de sauvegarder ou non l'église Saint-Sauveur sera prise uniquement par le consortium privé qui obtiendra le contrat de construction du CHUM. Une situation inacceptable selon Héritage Montréal, un organisme qui veille à la protection du patrimoine montréalais.

Située à l'intersection des rues Saint-Denis et Viger, l'église Saint-Sauveur a été construite en 1865 par la communauté anglicane. Un incendie, le 14 février 1923, a forcé la reconstruction de l'intérieur de l'église. L'édifice, dont l'extérieur est toujours dans son état original, est à l'abandon depuis une dizaine d'années. Mais pour plusieurs amoureux du patrimoine, l'église représente un aspect historique non négligeable.

 

Depuis que le gouvernement a déterminé que le futur CHUM sera construit au 1000, Saint-Denis, juste à côté de l'église Saint-Sauveur, l'avenir de cet édifice a été mainte fois remis en question.

En septembre 2006, la Ville de Montréal a adopté un projet de règlement autorisant la démolition de l'église, à condition que le bâtiment soit intégré en tout ou en partie au nouveau CHUM. En novembre 2006, la direction du CHUM a proposé de détruire l'église Saint-Sauveur, mais d'en conserver les contreforts pour les insérer dans le hall de l'hôpital. Insatisfait de cette proposition, l'Office de consultation publique de Montréal a demandé en mars 2007 que plus d'efforts soient consentis pour préserver l'église Saint-Sauveur.

Mais finalement, même si Montréal a adopté un règlement en 2006, la Ville n'aura pas le dernier mot dans cette histoire. «Le projet du CHUM a changé plusieurs fois depuis 2006. L'église est maintenant la propriété du CHUM. C'est eux qui savent ce qui arrivera avec l'église», dit le porte-parole de l'arrondissement de Ville-Marie, Jacques-Alain Lavallée.

Au CHUM, on explique que la décision d'intégrer ou non l'église Saint-Sauveur au nouvel hôpital «appartient aux consortiums» qui soumissionneront dans le but d'obtenir le contrat de construction. «Quand les consortiums vont déposer leur proposition de projet, nous verrons s'ils décideront ou non de conserver l'église», dit la porte-parole du CHUM, Lucie Dufresne.

Il serait surprenant qu'un des deux consortiums décide de préserver le bâtiment. Une évaluation réalisée en mai 2006 par la firme d'ingénierie Dessau-Soprin montre que les travaux de revitalisation et de reconstruction de l'église Saint-Sauveur s'élèveraient au moins à 14,2 millions.

Selon le directeur des politiques à Héritage Montréal, Dinu Bumbaru, la Ville de Montréal a démissionné dans le dossier de l'église Saint-Sauveur. «La Ville a des responsabilités et elle doit les prendre, dit-il. Parce que présentement, il n'y a plus personne de responsable dans ce dossier.»

M. Bumbaru reconnaît que préserver l'église représente «un défi», mais, selon lui, le bâtiment pourrait très bien servir de local pour le personnel, ou encore accueillir une cafétéria.

Le fait que Montréal abandonne ainsi ses responsabilités inquiète M. Bumbaru. Il craint que ce laxisme sévisse aussi dans le dossier du nouveau Centre universitaire de santé McGill (CUSM). «On sait qu'il y a aura des constructions sur le mont Royal, un espace protégé. Va-t-on aussi abaisser les réglementations?» demande M. Bumbaru.