La direction du CHUM planche «depuis quelques mois» sur l'hypothèse d'une reconstruction complète de l'hôpital Saint-Luc pour l'intégrer au nouvel hôpital universitaire francophone, a soutenu hier le président du conseil d'administration du CHUM, Patrick Molinari.

Selon les informations obtenues par La Presse, en reconstruisant Saint-Luc plutôt qu'en le rénovant, le nouveau CHUM comporterait 40 blocs opératoires au lieu de 30 et pourrait ajouter 75 lits aux 700 existants. L'aire réservée à l'enseignement et le nombre de places de stationnement seraient aussi augmentés de façon significative. Tous ces changements sont susceptibles d'obtenir l'adhésion au projet des médecins spécialistes, qui l'ont sévèrement critiqué jusqu'ici.

 

Il y a deux semaines, aux côtés du Dr Guy Breton, mandaté pour diriger le projet pendant trois mois, Me Molinari et les autres dirigeants du CHUM insistaient sur la «transparence» et soutenaient avoir mis cartes sur table en expliquant à nouveau le projet comportant une rénovation, toujours fort critiqué. L'idée de raser Saint-Luc n'avait pas été mentionnée, parce qu'elle était une «hypothèse», explique Me Molinari commentant les informations publiées par La Presse hier.

«Tout ce qui permettra d'optimiser ce projet, on s'en réjouit», a-t-il souligné dans un entretien accordé à RDI. Selon lui, l'échéancier ne serait pas modifié par ce changement, l'ancien hôpital Saint-Luc représentant environ 10% du projet d'ensemble. Il a aussi reconnu que le projet du CHUM ne serait pas complété en 2013; seule la nouvelle aile serait finie de construire.

«Au moment où l'hypothèse de Saint-Luc a été examinée, ce qui était prévu c'était une rénovation importante. On se rend compte aujourd'hui qu'une rénovation de cette importance pourrait plutôt justifier qu'on démolisse et qu'on reconstruise», a laissé tomber Me Molinari.

À Québec, le nouveau réalignement du CHUM a fait des gorges chaudes. L'adéquiste Éric Caire dit avoir «un préjugé favorable pour un édifice neuf». Mais il ironise sur l'assurance feinte des responsables du CHUM à la récente conférence de presse. «Les dirigeants du CHUM sont sortis pour dire: «Tout est beau, on respecte les échéanciers, les budgets. S'il y a des modifications, elles seront mineures.» Aujourd'hui, on apprend que la modification mineure, c'est démolir un hôpital pour le reconstruire. J'aimerais voir une modification majeure construire sur la lune?» se demande-t-il.

Plus gros

Le gouvernement, a-t-on révélé par ailleurs à La Presse, comptait annoncer sa décision de raser l'ancien hôpital Saint-Luc avant la rentrée parlementaire pour couper l'herbe sous le pied de l'opposition qui critiquait durement le projet à l'Assemblée nationale.

Il en coûterait environ 150 millions pour construire un tout nouvel édifice sur l'emplacement de Saint-Luc au lieu des 75 millions nécessaires pour la rénovation. Au CHUM, la porte-parole du projet, Julie Masse, souligne même que le coût de la rénovation n'a jamais été «ventilé», ni précisé dans les chiffres fournis jusqu'ici dans le feuilleton de l'hôpital universitaire francophone.

Selon les plans qui circulent dans le réseau de la Santé, le nouvel édifice pourrait atteindre 17 étages.

Barrette satisfait

«C'est le retour à la raison», laisse tomber le président de la Fédération des médecins spécialistes, Gaétan Barrette. La décision de démolir Saint-Luc plutôt que de rénover tombe sous le sens, «c'est qu'on a opté pour un projet fonctionnel plutôt que seulement essayer de rentrer dans un budget», estime-t-il.

La reconstruction totale de Saint-Luc, plutôt qu'une rénovation, était déjà l'avenue privilégiée par les spécialistes dans une sortie il y a deux semaines. Le porte-parole des 8000 médecins spécialistes, adversaire acharné du CHUM jusqu'ici, promet d'en devenir un promoteur si Québec opte pour un nouvel édifice plutôt que de reconfigurer un édifice existant.

«Si le CHUM doit être construit au 1000, rue Saint-Denis, la démolition de Saint-Luc s'impose. C'est le seul scénario qui maximise l'investissement à long terme», affirme le Dr Barrette.

Demain soir, les spécialistes doivent se réunir pour définir leurs attentes avant la conception d'une nouvelle aile à la place de l'hôpital Saint-Luc rénové.

Le plan actuel, «les deux buildings que proposait encore le CHUM dans sa conférence de presse il y a deux semaines», ne permet pas la fluidité de circulation nécessaire pour un établissement moderne. Le nouveau pavillon et Saint-Luc rénové «étaient à des endroits reliés par des passerelles, c'est pas précisément du modernisme», ironise le Dr Barrette.

Pour lui, la nouvelle construction pourrait même être conçue en prévision d'un agrandissement éventuel, avec des fondations déjà en place ou même une partie désaffectée susceptible d'être occupée à moyen terme.

Le projet «reconstruit» comporterait quelques étages, deux ou trois, de plus que Saint-Luc actuellement. II serait également possible d'aménager sans servitudes un vaste stationnement souterrain, ce qui n'est pas le cas du projet encore évoqué lundi dernier par les cadres du CHUM aux médecins des trois pavillons.

«La transition pour les patients serait plus simple», estime aussi le Dr Barrette. «Le scénario le plus difficile pour les patients, c'est celui où on rénove Saint-Luc. Ça c'est sept ans de bordel», lance le président des médecins spécialistes.