La désorganisation qui sévit actuellement à l'intérieur du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM) est la pire de l'histoire du milieu médical universitaire. Dans un rapport confidentiel obtenu par La Presse, les médecins du CHUM dressent un constat inquiétant sur l'état de leur institution. Selon eux, la qualité des services offerts vit un déclin alarmant.

Après avoir écouté plus de 22 médecins travaillant au CHUM, après avoir entendu plus de 25 administrateurs et lu plus de 125 mémoires, le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) du CHUM a rédigé un rapport sur l'état des services à l'intérieur de l'établissement.

 

Dès les premières lignes du document, on peut lire que «depuis la création du CHUM en 1996 (...) la qualité globale des soins a diminué».

Les exemples de problèmes sont multiples. L'un des principaux obstacles est le fait que le CHUM soit construit sur trois emplacements (Notre-Dame, Saint-Luc, Hôtel-Dieu). Pour les médecins, cette configuration est un vrai casse-tête.

Par exemple, un urologue qui fait une journée de consultation clinique à l'hôpital Saint-Luc, mais qui est également de garde, peut être appelé d'urgence à l'hôpital Notre-Dame. Il doit donc laisser ses patients en plan, se déplacer pour l'urgence et revenir. Cette pratique allonge inutilement les listes d'attente.

Le fait que certaines spécialités aient été regroupées dans des hôpitaux précis menace aussi la qualité des services offerts selon le CMDP. Depuis la fusion des trois hôpitaux du CHUM, la quasi-totalité de la gynécologie et de l'urologie se fait par exemple à Saint-Luc. La cardiologie se fait à l'Hôtel-Dieu. L'hôpital Notre-Dame traite entre autres les cas de neurologie.

Conséquence: une patiente qui arrive aujourd'hui avec une grossesse ectopique à l'Hôtel-Dieu doit être transférée à Saint-Luc.

Le nombre de transferts de patients inter-CHUM est en hausse selon le CMDP. L'organisme déplore toutefois qu'aucune statistique sur le nombre de transferts ne soit disponible, car «il n'y a aucune surveillance».

Cette pratique est pourtant dangereuse pour les patients. Les conditions de transport ne sont pas idéales pour les patients fragiles. Et lors du transfert d'un patient d'un hôpital à un autre, «des éléments majeurs le concernant sont parfois oubliés par manque de communication», dénonce le rapport.

La concentration des spécialités freine également la performance. Par exemple, alors que le CHUM réalisait 1240 chirurgies cardiaques en 2002, il n'en a fait que 937 en 2006, année où la cardiologie a été concentrée à l'Hôtel-Dieu.

«Il est clair que cette transition de services a engendré des impacts négatifs importants aux plans de la qualité de soins, la performance des activités et la motivation du personnel», dit le rapport.

Alors que la qualité des services offerts est déjà en piètre état, le lancement du futur hôpital universitaire fait craindre le pire aux médecins du CHUM.

Avec la construction du futur CHUM, la période de transition sera d'environ sept ans. «Il y a un grand risque que la désorganisation et les difficultés de pratique du CHUM se voient amplifiées par l'immense chantier au site Saint-Luc en plein centre-ville», conclut le rapport.