Qu'une de ses oeuvres soit inscrite sur la longue liste des Academy Awards, plus prestigieuse cérémonie récompensant les artisans du monde du cinéma, est déjà une belle reconnaissance. Être ensuite invité à prendre part à la cérémonie de remise des Oscars constitue la réalisation d'un rêve, dont peu de cinéastes peuvent se targuer. C'est pourtant l'exploit accompli par le dessinateur et réalisateur québécois Patrick Doyon, pour son tout premier court métrage d'animation professionnel, de surcroît. Afin de souligner la qualité et la singularité de son travail, La Presse et Radio-Canada lui décernent le titre de Personnalité de la semaine.

Même si l'Oscar ne lui a pas été décerné, le dessinateur et réalisateur montréalais Patrick Doyon a brillé dans le petit monde du film d'animation lorsque sa première oeuvre à titre professionnel, Dimanche/Sunday, a été retenue dans la courte liste de la catégorie du meilleur court métrage d'animation au gala des Academy Awards. Redescendu de son nuage hollywoodien, le jeune cinéaste n'a maintenant qu'une envie: recommencer à travailler sur ses projets, parmi lesquels une nouvelle animation pour l'Office national du film (ONF).

«Ça fait un mois que je n'ai que les Oscars en tête, nous confie le réalisateur, diplômé de l'UQAM en design graphique. J'ai hâte de recommencer à créer», ce qu'il fera dès la semaine prochaine, ajoute-t-il en louangeant la patience des éditions de La Pastèque, qui attendent ses illustrations pour Le voleur de sandwiches, livre pour enfants scénarisé par André Marois.

Les dernières semaines, Doyon les a passées dans le tourbillon professionnel de Los Angeles, d'où il est rentré mercredi dernier. Deux longues semaines de travail et de rencontres dont le point culminant a été la prestigieuse cérémonie. «C'est surtout dans la salle, en attendant le verdict, que j'ai eu du mal à me maîtriser. Sur le tapis rouge, j'ai réussi à garder mon calme.» Tapis qu'il a foulé au bras de sa conjointe et suivi par l'attachée de presse. «Sur le tapis, devant moi, il y avait Wim Wenders, et Christopher Plummer était juste derrière», dit-il, tout sourire.

De Los Angeles, Patrick Doyon n'aura finalement pas vu grand-chose d'autre que les salles de projection. Ne le plaignez surtout pas. «J'ai eu la chance de faire le tour des studios d'animation, dit-il. L'idée était de regrouper les artisans en nomination dans la catégorie court métrage d'animation et de faire la tournée des studios pour présenter notre film aux professionnels, parler de nos idées et répondre aux questions.»

Doyon et ses collègues en lice pour l'Oscar - dont Wendy Tilby et Amanda Forbis, duo canadien présentant Wild Life, également produit par l'ONF - ont ainsi visité les studios DreamWorks, Pixar, Apple, Paramount et Fox. «Matt Groening et James L. Brooks [créateur et producteur de la série The Simpsons] ont assisté à la projection. Ça m'a fait un petit velours de pouvoir discuter avec eux.»

Le monde de l'animation 2D est assez petit, souligne M. Doyon, ravi de l'intérêt qu'on porte à cette discipline, autant du côté des artisans du milieu que de celui du public qui redécouvre cette forme d'art cinématographique à travers le travail plus inventif et audacieux des créateurs tels que Patrick Doyon.

Les deux nominations canadiennes dans cette catégorie cette année constituaient une source de fierté pour l'ONF, qui impose son génie dans l'animation depuis plus de 50 ans. «En marchant dans les couloirs de l'ONF, on voit toutes les photos des grands cinéastes qui ont fait la renommée des studios. Si je peux ainsi contribuer ne serait-ce qu'un peu à cette tradition, ça m'honore», dit humblement Doyon.

Influencé par le travail des studios français Folimage, dont le récent Une vie de chat était dans la course dans la catégorie du meilleur long métrage d'animation aux Oscars, et par celui du bédéiste Trondheim, Patrick Doyon décrit son style graphique comme simple, presque naïf. «Je n'essaie pas de créer des effets visuels extravagants. Je dessine même toujours en deçà de mes capacités pour garder l'univers le plus simple possible.» Une approche qu'il dit justement influencée par la bédé européenne.

Que reste-t-il de toute cette aventure? «Des rencontres intéressantes, répond le cinéaste-dessinateur. Je ne sais pas où ça me mènera, mais simplement de rencontrer des gens de l'industrie qui ont eu le coup de foudre pour mon travail, ça fait ma journée. Je ne m'attends pas à être embauché par de grands studios. Susciter une curiosité pour mon style, c'est déjà beaucoup.»