La Dre Anne-Laure Lapeyraque a découvert une nouvelle application pour un médicament contre la bactérie mortelle E. coli, sauvant, au passage, la vie d'une jeune patiente. L'amélioration spectaculaire observée chez la fillette, ainsi que chez deux autres malades, a d'ailleurs fait l'objet d'une publication dans la revue The New England Journal of Medicine, l'été dernier. Pour souligner cette découverte, La Presse et Radio-Canada lui décernent le titre de Personnalité de la semaine.

La Dre Anne-Laure Lapeyraque est néphrologue au département de pédiatrie du CHU Sainte-Justine, chercheuse associée au centre de recherche du même hôpital et professeure à l'Université de Montréal. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, elle n'a pas fait sa découverte dans un laboratoire, mais bien «sur le terrain».

Août 2010, au cours d'une fin de semaine, une enfant de trois ans atteinte de la «maladie du hamburger» a été confiée à la Dre Anne-Laure Lapeyraque. Son état s'aggravait d'heure en heure et l'équipe de médecins n'arrivait pas à le stabiliser. «On passait le plasma dans une machine pour retirer les toxines de son sang, en se croisant les doigts. Mais elle n'allait pas mieux», relate-t-elle. La Dre Lapeyraque voulait à tout prix sauver sa petite patiente, mais elle était à court de solutions. Il n'y a aucun traitement curatif pour le syndrome hémolytique et urémique, une complication grave de certaines infections à l'E. coli. «J'avais une enfant qui allait peut-être mourir. Les médecins n'aiment pas perdre le contrôle. On quitte l'hôpital le soir, le lendemain matin on revient... et l'enfant n'est plus là», raconte-t-elle.

La Dre Anne-Laure Lapeyraque a décidé d'administrer de l'éculizumab à l'enfant, un produit habituellement prescrit pour le traitement d'une autre infection dont les symptômes sont semblables. Mais il lui a fallu convaincre les autres médecins et la mère de la jeune patiente. «Même si c'était un de mes domaines de recherche, la mère a été très courageuse. Elle savait que je lui proposais un traitement expérimental», souligne-t-elle. Les injections d'éculizumab ont été commandées à Toronto le samedi soir du fameux week-end et livrées par avion le lendemain matin. La Dre Lapeyraque a eu raison: l'état de sa petite patiente s'est rapidement amélioré. «C'est tellement gratifiant pour un médecin de trouver une solution quand il n'y en a plus», ajoute-t-elle. Même si le médicament est très dispendieux, la compagnie qui fabrique l'éculizumab a offert les injections gratuitement. «On parle de 4000$ à 10 000$ par injection. On peut compter parfois jusqu'à 100 000$ pour une cure complète pour un seul patient», explique-t-elle.

Sauver plusieurs vies

Une fois la nouvelle application découverte, ce traitement par voie intraveineuse a sauvé plusieurs vies. La médecin du CHU Sainte-Justine s'est vite jointe à deux autres médecins européens qui avaient eux aussi traité de jeunes patients atteints d'E. coli avec l'éculizumab, pour publier un article sur leur découverte. La parution imminente de la lettre dans la revue The New England Journal of Medicine a coïncidé avec l'épidémie d'E. coli qui a touché l'Allemagne, en mai et juin 2011. «Nous avons pu annoncer la nouvelle et aviser les médecins», ajoute-t-elle. En tout, près de 150 patients allemands ont été sauvés grâce à l'éculizumab. Cette épidémie aura joué un rôle important dans la confirmation des effets positifs du médicament. L'article a finalement paru au mois d'août 2011 dans le très réputé «New England».

Bien que très heureuse d'avoir fait cette découverte, la médecin originaire de France a repris son quotidien: médecine, recherche et enseignement. Celle qui est venue s'installer au Canada en 2005 avec sa petite famille se sent très privilégiée de travailler à l'hôpital Sainte-Justine, le seul centre hospitalier mère-enfant au Canada. «Je sais que chaque jour, je fais du bien à mes petits patients. Physiquement et psychologiquement aussi», conclut-elle.