Le Dr Martin Juneau est cardiologue, chercheur et directeur de la prévention à l'Institut de cardiologie de Montréal (ICM). Il est aussi professeur à la faculté de médecine de l'Université de Montréal et directeur du Centre de médecine préventive et d'activité physique (Centre ÉPIC). Il vient de recevoir le Prix du mérite 2011 de l'organisation des Médecins francophones du Canada pour son dévouement envers la communauté. Cette récompense vise aussi à souligner son engagement dans la prévention des maladies cardiovasculaires, son cheval de bataille des 30 dernières années. La Presse et Radio-Canada lui décernent le titre de Personnalité de la semaine.

«Je suis le mouton noir de la famille», avoue en riant le Dr Martin Juneau quand on lui demande s'il vient d'une famille de médecins. Cette vocation est arrivée sur le tard pour celui qui se destinait plutôt à la psychologie, domaine dans lequel il a d'ailleurs obtenu une maîtrise. C'est vers la fin des années 70 que le Dr Paul David, fondateur de l'ICM, lui propose de suivre les 500 premiers patients qui avaient subi un pontage coronarien à l'ICM. Le Dr David voulait savoir s'ils avaient retrouvé une vie normale à la suite de l'opération. Résultat: 42% des patients n'étaient jamais retournés travailler. En poursuivant ses recherches sur les patients, l'attrait de Martin Juneau pour la médecine s'est vite développé. Et il a vite eu envie d'allier psychologie et médecine. «Quand ça va mal en haut (la tête), ça va souvent mal en bas (le corps)», ajoute-t-il.

Il entame alors des cours du soir et des sessions d'été pour obtenir les prérequis nécessaires en médecine. Viennent ensuite des études à l'Université de Sherbrooke et sa résidence en cardiologie dans le réseau de l'Université de Montréal. Puis une spécialité en prévention à l'Université Stanford en Californie, au début des années 80, là où le Dr Juneau a eu un choc. «Tout le monde était végétarien et personne ne fumait. Alors qu'ici, on ne parlait pas encore des bienfaits de l'exercice ou d'une saine alimentation. On commençait à peine à parler des dangers du tabac.» Dès son retour au Québec, il décide de s'attaquer à la prévention. Il est une fois de plus le «mouton noir» au sein d'une cohorte de nouveaux médecins qui préféraient tous se spécialiser dans «les opérations high-tech» comme il dit. «Mes supérieurs ont été très ouverts à mes idées; je ne serais pas là où je suis aujourd'hui s'ils ne m'avaient pas dit oui», souligne-t-il.

Le Centre ÉPIC

Tout près de l'Institut de cardiologie, le Centre ÉPIC (Étude pilote de l'Institut de cardiologie) est le plus important centre de médecine préventive au Canada. Le Centre offre des activités physiques et de réadaptation, et fait de la recherche clinique en activité physique et en nutrition. Sous la direction du Dr Juneau, des médecins, des infirmières, des kinésiologues et des nutritionnistes interviennent auprès des membres et des non-membres pour les aider à atteindre une bonne santé globale. Véritable laboratoire sur la prévention, le Centre compte des gymnases, une piscine, une salle de musculation et même un bistro méditerranéen. «On ne sert pas de nourriture plate», ajoute-t-il en riant. Le Centre ÉPIC compte 5000 membres. De ce nombre, seulement 2000 ont des problèmes cardiaques. Un signe que son message de prévention a été entendu. «Les Québécois se sont réveillés il y a quelques années et ça continue», ajoute-t-il.

Le Centre ÉPIC et le travail du Dr Juneau sont maintenant reconnus à travers le monde. «Nous avons reçu la visite de 800 médecins étrangers en huit ans», dit-il. Loin d'être un centre élitiste, l'établissement qui a acheté l'entreprise Acti- Menu, il y a quelques années, se sert de ses profits pour offrir gratuitement certains de ses programmes à des patients qui n'auraient pas les moyens de les suivre. Le Centre ÉPIC survit grâce à des dons des grandes entreprises, comme BMO et le Groupe Cascades, entre autres.

Mieux vaut prévenir que guérir

Il reste encore beaucoup à faire, selon le Dr Juneau, pour prévenir les maladies cardiovasculaires. Il rêve du jour où les gouvernements poseront des gestes plus concrets. Comme exiger l'affichage des calories sur les menus des restos de malbouffe ou taxer les boissons sucrées. Toujours selon lui, les différents gouvernements devraient agir plus dans plusieurs secteurs. «Il n'est pas normal que les prix des fruits et des légumes ne cessent d'augmenter alors que le prix d'un trio de fast-food diminue», souligne-t-il.

«Le gouvernement préfère mettre l'argent dans les soins et je le comprends. Mais en même temps, grâce à des bons programmes de prévention, on pourrait diminuer de 50% le nombre de visites à l'urgence. Il faut plus que des campagnes publicitaires sur les saines habitudes de vie» conclut-il.